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- Lutte ouvrière n°2961
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Leur société
1er mai : histoire d’une journée de lutte
Le 1er mai a été pendant très longtemps pour les travailleurs une journée de manifestations et de luttes parfois sanglantes.
C’est en 1856, en Australie, qu’est née l’idée d’une journée prolétarienne de repos, fixée alors au 21 avril, comme un moyen d’obtenir la journée de 8 heures. Il était alors fréquent de travailler 12, voire 14 heures par jour. Cette première manifestation eut un tel retentissement parmi les travailleurs australiens qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans. Avec le développement du prolétariat à l’échelle mondiale, l’idée s’imposa d’organiser une journée internationale au cours de laquelle les travailleurs de tous les pays seraient appelés à faire grève et à manifester en revendiquant la journée de huit heures. En 1889, la IIe Internationale, regroupant tous les partis sociaux- démocrates, se revendiquant alors du marxisme révolutionnaire, décida de fixer au 1er mai cette journée de lutte, en hommage aux travailleurs américains victimes de la répression après la grève générale du 1er mai 1886, appelée pour obtenir la journée de 8 heures. Les manifestants commencèrent à arborer un triangle rouge, symbolisant la revendication « 8 heures de travail, 8 heures de loisir, 8 heures de repos ».
À l’époque, le 1er mai n’était pas férié, et il fallait se mettre en grève pour participer aux manifestations. Celles-ci inquiétaient les patrons, d’autant qu’elles se déroulaient le même jour dans de nombreux pays, et ils n’hésitaient pas à réprimer ceux qui se risquaient à y participer. Dans le nord de la France, à Fourmies, le 1er mai 1891, l’armée tira sur la foule, faisant 9 morts et 33 blessés, dont de jeunes ouvrières du textile. Après cette fusillade particulièrement meurtrière, les manifestants du 1er mai se mirent à arborer une églantine rouge, symbole qui rappelait de surcroît la Révolution française et qui mettait en rage les patrons et la police. Des passants pouvaient être arrêtés parce qu’ils portaient du rouge dans l’habillement.
Le début du vingtième siècle fut marqué par la marche à la guerre, et le 1er mai devint aussi l’occasion d’affirmer l’idée que les ouvriers du monde entier devaient lutter contre la guerre impérialiste en préparation et se fixer l’objectif de renverser le capitalisme. Les grandes manifestations en faveur de la paix ne purent empêcher la trahison de la IIe Internationale, qui se rallia à la bourgeoisie dès le début de la guerre mondiale.
Dans l’entre-deux-guerres, les luttes continuèrent, avec cette fois-ci en toile de fond la montée du fascisme. En 1929, le préfet de Berlin interdit la manifestation du 1er mai. À l’appel du Parti communiste allemand, des milliers de travailleurs défilèrent tout de même. La troupe tira, tuant 33 travailleurs, et en blessant 200.
Les nazis, tout comme le gouvernement de Vichy en France, détournèrent la signification prolétarienne du 1er mai, et en firent des « Fêtes du travail national », célébrant l’union sacrée des ouvriers et des patrons. C’est le maréchal Pétain qui, en 1941, a associé le 1er mai au muguet, qu’il préférait à l’églantine rouge, symbole selon lui du communisme.
Malgré ces dévoiements et l’institutionnalisation du 1er mai, du moins dans les pays riches, sa signification profonde pour le monde du travail, une journée qui affirme les intérêts communs des travailleurs par-delà les frontières, reste d’une actualité brûlante, au moment où les bruits de bottes résonnent à nouveau. Comme l’écrivait Rosa Luxemburg en 1904 : « Plus que jamais, en présence de la guerre, la démonstration spécifique prolétarienne doit aussi être l’expression de cette idée que la réalisation de la paix universelle ne peut être conçue que liée à la réalisation de notre but final socialiste. »