80 ans de Sécurité sociale : comptes et légendes08/10/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/10/une_2984-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

80 ans de Sécurité sociale : comptes et légendes

Les 80 ans de la Sécurité sociale, instaurée par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, sont diversement célébrés.

L’institution elle-même s’autocongratule dans diverses manifestations, colloques et expositions dans tout le pays. Elle est suivie en cela par la gauche politique et syndicale, particulièrement le PCF et la CGT, qui se targuent d’être à l’origine de cet incontestable progrès social. D’autre part, l’arc politique partant de la droite du PS jusqu’au RN, tout en affirmant son attachement à « notre modèle social », n’a eu de cesse d’imposer des coupes budgétaires, des régressions et, pour certains, de proposer la destruction même du système de sécurité sociale tel qu’il existe depuis 1945.

Le recul de l’âge de la retraite, la moindre protection contre la maladie, le déremboursement de nombreux médicaments, les mauvais coups contre l’hôpital public, les franchises et leur augmentation rognent les effets de la Sécurité sociale au prétexte d’équilibrer ses comptes. Mais l’équilibre mathématique des comptes en question, tel que prévu à sa fondation, est basé sur l’illusion, ou plutôt le mensonge, d’une société dans laquelle chacun contribue selon ses moyens. Salariés et employeurs, cotisant à la hauteur prévue, assureraient ainsi de concert, sous l’œil bienveillant des représentants syndicaux et grâce à la neutralité de l’État, la retraite des vieux travailleurs, la couverture des blessés et malades et l’harmonie sociale pour tous.

En fait, le patronat fait pression en permanence sur les salaires, avec évidemment l’aide de l’État et c’est bien la principale raison du prétendu « trou de la sécu », découvert opportunément en 1967 et jamais comblé depuis. Aujourd’hui, les employeurs sont exonérés de cotisations sur les bas salaires pour un montant de 80 milliards d’euros par an, ils ont fait repousser l’âge de départ en retraite à 62 puis à 64 ans, ils trouvent tous les biais pour ne pas déclarer les accidents de travail, réduisent ainsi leurs pénalités et, de plus, exigent et obtiennent de l’État toujours plus de cadeaux, au détriment entre autres des budgets de santé publique.

En fait, le ver était dans le fruit dès le départ puisque la création de la Sécurité sociale a commencé par un recul. La CGT et le PCF, qui participait alors au gouvernement, avaient accepté ce que le mouvement ouvrier refusait depuis toujours, le fait que les ouvriers cotisent sur leur salaire. La CGT, du moins celle d’avant 1914, avait pourtant toujours affirmé que c’est aux patrons, qui disposent de toute la richesse sociale créée par le travail, de payer pour les retraites. Ce n’était pas le seul reniement dans cette période où l’appareil stalinien défendait l’ordre social, depuis l’obligation de travailler le ventre vide jusqu’à celle de défendre l’Empire français, y compris contre les révoltes des colonisés. Mais c’est cela que leurs lointains héritiers veulent aujourd’hui faire passer pour le summum de ce que les travailleurs peuvent obtenir dans ce monde.

En 1945 les salaires étaient bas et les travailleurs mouraient jeunes, ce qui fait que l’instauration de la Sécurité sociale n’a pas coûté cher au patronat. Mais, dès qu’il a fallu commencer à payer, trente ans plus tard, il a refusé de le faire et trouvé pour cela l’oreille complaisante des gouvernements successifs, présidents « socialistes » et ministres « communistes » compris. Aujourd’hui, l’attaque patronale passe donc en bonne partie par la destruction du système de sécurité sociale. Les institutions, les questions comptables et les légendes politiques sont là ; mais derrière ces écrans de fumée, les travailleurs doivent distinguer leurs intérêts de classe et les défendre.

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