Aide à mourir : égalité ni dans la vie, ni dans la mort14/05/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/05/une_2963-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C5%2C1265%2C1645_crop_detail.jpg

Leur société

Aide à mourir : égalité ni dans la vie, ni dans la mort

Deux textes de loi sur « la fin de vie » sont en discussion à l’Assemblée avant un vote le 27 mai.

En mars 2024, Macron avait présenté un seul texte sur ce sujet, mais depuis, sous la pression des milieux religieux et politiques de la droite à l’extrême droite et avec l’appui d’un catholique affiché comme Bayrou, le texte a été divisé en deux, un « sur les soins palliatifs » et l’autre sur « l’aide à mourir ». Et, fait notable et assez rare, les députés auront la possibilité de voter comme ils l’entendent, sans avoir à se plier à une consigne de vote de leur groupe parlementaire.

Ces lois viennent après une série de textes, le dernier étant la loi Creys-Leonetti en 2016 qui réaffirmait le droit au refus de l’acharnement thérapeutique et à « une sédation profonde et continue jusqu’au décès ». Elle refusait par contre le droit à l’euthanasie, c’est-à-dire la possibilité de donner la mort de « façon active », par injection d’une substance létale.

L’actuel projet de loi Macron-Bayrou reste restrictif sur bien des points. Il réserve le droit à mourir à l’aide d’une substance létale à des adultes de nationalité française atteints d’une affection grave et incurable et le refuse à des malades atteints de maladies psychiatriques ou neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Pour l’ADMD (Association pour le droit à mourir dans la dignité), ce texte est donc un des plus restrictifs en Europe. Par exemple la Suisse, le Portugal ou la Belgique autorisent le suicide assisté et l’euthanasie est possible aux Pays-Bas, en Espagne et au Luxembourg.

Le second projet de loi sur « l’accompagnement et les soins palliatifs » devrait en revanche être voté largement en particulier par tous ceux, religieux et réactionnaires qui, tout en refusant « l’aide à mourir », se font les défenseurs de « l’accompagnement ». Ils voteront résolument pour des services de soins palliatifs accessibles sur l’ensemble du pays, quand on sait que 21 départements en sont actuellement complètement dépourvus. Mais ils voteront aussi comme ils ont voté depuis des années tous les budgets d’austérité pour la santé réduisant les moyens des hôpitaux, pour la prise en charge des malades, depuis les urgences jusqu’aux services de gériatrie et aux soins palliatifs.

Alors si ces deux lois peuvent représenter un pas en avant pour la prise en charge des malades en fin de vie, elles ne régleront sûrement pas la question. Une société ayant le souci de la vie humaine devrait tout mettre en œuvre pour que chacun ait accès aux meilleurs traitements pendant sa vie et à la fin de celle-ci. Chaque malade devrait disposer de tous les moyens d’une médecine moderne et de l’aide d’un personnel humain et compétent, médecins mais aussi infirmiers et aides-soignants, dans les hôpitaux, les cliniques et les Ehpad, pouvant prendre le temps d’accompagner les malades en fin de vie et de soulager leur douleur physique et morale.

Aujourd’hui, l’état des hôpitaux rend tout cela impossible car la loi du profit est reine. En fin de vie, les techniques de « sédation profonde » recommandées aujourd’hui par la loi Léonetti ont leurs limites. Combien d’aides-soignants, d’infirmiers se retrouvent au chevet de patients en « sédation profonde » dont la fin de vie peut se prolonger des jours, voire des semaines, obligés de gérer parfois seuls ces moments si difficiles ?

Bien sûr, rendre légale l’euthanasie ne va pas de soi et nécessite de solides garde-fous, que ce soit la demande consciente du malade s’il en est capable ou la discussion avec les familles, sans que la décision repose sur le seul corps médical. Mais pourquoi ce qui semble possible dans d’autres pays européens ne pourrait-il pas l’être en France ?

Dans une société régie par l’argent, ces énièmes débats parlementaires et le bricolage législatif dont ils accoucheront ne régleront certainement pas le problème de la fin de la vie. Une société qui charrie la misère, notamment celle des services de soins, ne peut pas donner à la mort une dignité qu’elle refuse à la vie.

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