Pour cette inauguration, la compagnie avait sorti le grand jeu : tapis rouge sur 30 mètres depuis le poste de sûreté jusqu’au hangar N3. Là, devant un Airbus 330, un immense tapis rouge accueillait un parterre de chaises façon cinéma. En effet, c’est sur la carlingue de l’avion que la direction allait projeter un film vantant sa Première nouvelle version, dopée au « plus luxueux que moi, tu meurs ».

En effet, ceux qui peuvent s’offrir un billet à plus de 10 000 euros l’aller veulent voyager en plein rêve, comme le proclamait en anglais le titre de ce film, Inside The Dream. Et c’est ce qu’Air France leur a vendu durant 55 minutes de projection, en faisant étalage de toutes sortes de raffinements, de l’accueil haut de gamme à l’aéroport aux vrais lits dans un espace privatif à bord, et à la cuisine étoilée servie en plein ciel à ces parasites… Bien sûr, cela laisse peu de place à ceux dont le travail rend cela possible : en tout et pour tout, 20 secondes évoquaient le travail accompli par des mécanos-avion.

Ceux d’entre eux qui ont ainsi vu comment la direction les considère, eux et leur travail, en étaient énervés, sinon écœurés. Mais, bien sûr, cette petite sauterie ne leur était en rien destinée. La direction avait avancé l’horaire de l’équipe d’après-midi, afin que, après 17 heures, il n’y ait plus de bleus en vue pour gâcher la fête aux VIP, influenceurs et gens fortunés dont les Porsche Cayenne trônaient sur le parking du personnel.

Pour les richards qu’elle choie, la direction avait prévu du caviar, des « bulles » et autres douceurs. Avant d’en venir aux choses sérieuses elle avait, magnanime, laissé des mécanos voir son film et accéder à des boissons non alcoolisées car, à l’entendre, « l’alcool est bien sûr interdit sur le lieu de travail ». Mais visiblement pas à ceux qui vivent du travail des autres.