Algérie : un accident de bus déclenche la colère27/08/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/08/une_2978-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Algérie : un accident de bus déclenche la colère

Vendredi 15 août, la chute d’un bus dans le fleuve El Harrach, à l’est d’Alger, a fait dix-huit morts et une vingtaine de blessés. Après l’émotion, ce drame a suscité la colère.

Cet accident est le dernier d’une longue liste qui, cette année, a endeuillé des milliers de familles. C’est plus qu’un fait divers, c’est l’accident de trop qui met en lumière le mépris d’un pouvoir qui a laissé les infrastructures se délabrer et a livré les transports collectifs au secteur privé, qui en détient 95 %. Chaque jour, pour se déplacer, des millions de personnes sont contraintes d’emprunter un réseau anarchique et des bus vétustes, datant souvent de plus de trente ans.

L’enquête a révélé que le certificat de contrôle technique avait été falsifié et que le bus, hors d’usage, était surchargé. Cela a conduit à l’arrestation du chauffeur, du receveur, du propriétaire du véhicule ainsi que du contrôleur technique. Ces arrestations n’ont fait qu’attiser la colère, car ni le receveur ni le chauffeur ne sont responsables du réseau de transport et de la pénurie de bus qui oblige les usagers à voyager entassés. Certes, en ce jour de canicule, le chauffeur, éboueur la semaine et chauffeur le weekend, n’était sans doute pas au mieux de sa forme. Mais, comme des millions de travailleurs, il n’a pas d’autre choix que de cumuler deux emplois pour subvenir aux besoins de sa famille.

Si certains propriétaires de bus ont peu de scrupules et usent leur matériel jusqu’à la corde, la majorité, faute de pièces détachées, n’a tout simplement pas les moyens de les entretenir correctement. Quant à renouveler leur flotte, c’est quasiment impossible avec la limitation des importations.

Aussi, beaucoup estiment que ces arrestations sont injustes et que les vrais responsables sont épargnés. Les privilégiés du régime ne risquent pas leur vie dans des transports collectifs. Ils possèdent des SUV de luxe, vivent dans des quartiers protégés où les poubelles sont ramassées tous les jours. Ils peuvent envoyer leurs enfants étudier à l’étranger et ne se soignent pas dans les hôpitaux algériens. À l’image du président Abdelmadjid Tebboune qui, depuis l’Allemagne où il se fait soigner, a décrété une journée de deuil national pour calmer la colère.

Une semaine avant le drame, il avait promis à son homologue libanais, Joseph Aoun, lors de sa visite à Alger, de verser 50 à 200 millions de dollars pour « la reconstruction du Liban-Sud ». Cette promesse avait déjà provoqué un fort mécontentement. La posture de Tebboune, qui se targue d’avoir fait de l’Algérie la troisième économie du continent africain et qui prétend aider les autres pays d’Afrique et le Liban, ne passe plus auprès des classes populaires.

Paupérisation croissante, mépris patronal, corruption, les causes qui avaient donné naissance, en 2019, au Hirak, le plus grand mouvement populaire depuis l’indépendance, sont toujours là. La répression accrue dont use le régime ne pourra pas indéfiniment contenir la colère.

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