Badinter panthéonisé : un homme de la bourgeoisie15/10/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/10/une_2985-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1271%2C1649_crop_detail.jpg

Leur société

Badinter panthéonisé : un homme de la bourgeoisie

Jeudi 9 octobre, la cérémonie de panthéonisation de Robert Badinter a offert une diversion à la chronique de la crise gouvernementale et un divertissement à Macron, qui affectionne les commémorations au « temple de la République ».

La date choisie correspond au quarante-quatrième anniversaire de l’abolition de la peine de mort, dont Badinter, comme ministre de la Justice de Mitterrand, avait été le promoteur. Entre 1981 et 1986, Badinter promut d’autres mesures progressistes, comme par exemple la dépénalisation de l’homosexualité et la fermeture des quartiers de haute sécurité dans les prisons. Cela lui valut les foudres de l’extrême droite et de la droite la plus conservatrice, et la fronde d’une partie de la police, qui vint manifester sous les fenêtres du ministère de la Justice. Badinter a ainsi acquis l’image d’un homme de conviction, un humaniste à la probité exemplaire dans la tradition des Lumières, de Victor Hugo et de Jaurès, invoqués par Macron dans son discours au Panthéon.

Tout est relatif, et en effet l’image du sérail politicien, auquel Badinter a d’ailleurs appartenu puisqu’il fut président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995 puis sénateur jusqu’en 2011, est aujourd’hui moins reluisante.

Quant aux mesures progressistes, Macron, qui fait l’éloge de l’humanisme de Badinter, a imposé la loi sécurité globale et de nombreuses mesures antimigrants. Son inamovible ministre de la Justice, Darmanin, qui a salué en Badinter « l’homme de justice », a rétabli les quartiers de haute sécurité, étendus à des prisons entières, avec le soutien des parlementaires du RN.

Pourtant, Badinter n’était en rien un ennemi de l’ordre social en place, avec ses inégalités et ses injustices. Présenté comme intraitable face à l’extrême droite, il a soutenu des politiques gouvernementales qui ont contribué au discrédit de la gauche et à la montée du FN puis du RN. Il servait de caution de gauche à Mitterrand, l’aidant à camoufler sa politique antiouvrière.

Badinter était un fidèle serviteur de la bourgeoisie. Il le fut d’abord comme avocat d’un des cabinets les plus prestigieux de Paris, dont la clientèle se recrutait parmi les stars et les grandes fortunes. Les coups portés au monde du travail ne le gênaient pas et il s’en est même fait le promoteur. À 87 ans, en 2016, il remettait à Manuel Valls, alors Premier ministre de Hollande, un rapport destiné à trancher dans le code du travail. Ce fut le préambule à la loi El Khomri, qui fut imposée à coups de matraques, de gaz lacrymogènes et de tirs de LBD, annonçant les violences policières infligées aux Gilets jaunes sous Macron.

Après avoir servi de caution morale à la gauche, Badinter entre au Panthéon en servant de caution morale à toute la clique politicienne, jusqu’à Bardella qui a lui aussi salué le « grand homme ». C’est le destin somme toute assez banal des « grands hommes » de la république bourgeoise.

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