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Dans le monde
British Steel, le mirage de la nationalisation
Samedi 12 avril, le Premier ministre britannique a fait revenir de vacances l’ensemble des parlementaires pour faire voter en urgence un plan redonnant à l’État le contrôle des deux derniers hauts-fourneaux du pays.
Comme en France, cette mesure est présentée comme un remède possible par une kyrielle de politiciens de gauche et de syndicalistes. Mais la loi voulue par Starmer n’offre en fait aucune garantie aux salariés de British Steel. Certes, à Scunthorpe, petite ville du nord de l’Angleterre où 2 700 emplois risquaient de disparaître du jour au lendemain, la mesure a été accueillie avec un certain soulagement. Mais il ne s’agit même pas d’une nationalisation, juste d’une poursuite obligatoire de l’activité des hauts-fourneaux, qui demeurent dans les mains de l’entreprise chinoise Jingye, propriétaire du site depuis 2020.
Jingye menaçait de tout stopper en juin, sous prétexte que la production d’acier lui coûtait plus qu’elle ne lui rapportait et que l’État britannique refusait de lui octroyer les deux milliards de livres sterling qu’elle estimait nécessaires pour moderniser et décarboner le site. En reprenant partiellement et provisoirement la main, le gouvernement du travailliste Keir Starmer tente de se poser en défenseur des emplois et en champion de la souveraineté économique du pays.
L’essentiel de l’acier utilisé en Grande-Bretagne est déjà importé de Chine et la nationalisation de British Steel entre 1967 et 1988 n’a pas empêché l’hémorragie des emplois, passés alors de 268 000 à 51 000. Depuis, British Steel a changé de propriétaire bien souvent, racheté par le groupe indien Tata en 2007 puis cédé à l’américain Greybull en 2015. Dans ces grandes manœuvres, les effectifs des salariés de l’acier n’ont cessé de s’effriter, afin que les actionnaires préservent leurs profits quels que soient les aléas du marché mondial.
La sidérurgie demeure à l’échelle du globe une activité très polluante, et une transition énergétique dans le secteur serait certainement une nécessité. Mais il n’y a aucune raison que les travailleurs fassent les frais de ces transformations technologiques ni des cahots de l’économie capitaliste : en Grande-Bretagne comme ailleurs, c’est sur les profits passés et présents des actionnaires qu’il faut prendre pour faire les investissements nécessaires et en tout cas assurer les emplois et les salaires de tous.