CMA CGM : milliardaire à la tonne24/09/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/09/une_2982-c.jpg.445x577_q85_box-16%2C0%2C1287%2C1649_crop_detail.jpg

Leur société

CMA CGM : milliardaire à la tonne

Le 17 septembre, Rodolphe Saadé, propriétaire et dirigeant de CMA CGM, troisième armateur au monde pour le trafic de conteneurs, a été auditionné par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

Pour la septième fois, des élus ont demandé à l’armateur milliardaire de s’expliquer sur le décalage énorme entre les subventions, aides, cadeaux, aménagements divers offerts par l’État et les collectivités à CMA CGM et le peu de profit qu’en tire « le pays ». La question n’est pas nouvelle, elle est revenue dans l’actualité les 10 et 18 septembre, lorsque des manifestants se sont dirigés vers la tour de CMA CGM à Marseille pour la poser directement.

Par exemple, la taxation au tonnage, cet impôt particulier remplaçant pour les armateurs l’impôt sur les sociétés, s’est traduite en 2023 par un dégrèvement d’impôt de plus de cinq milliards d’euros pour la compagnie. Ayant réalisé cette année-là plus de vingt milliards d’euros de bénéfices, elle n’avait payé que 180 millions d’impôts ! Mais, dit l’armateur, cette taxe est commune à tous les pays du monde, la supprimer en France reviendrait à l’affaiblir devant la concurrence…

Un autre cadeau, dont le prix est certainement énorme quoique très difficile à évaluer, est la mobilisation de la marine nationale pour escorter les navires de CMA CGM sur la route de Suez, où plane la menace des drones et missiles venus du Yémen. Cette protection épargne aux bateaux de la ligne Asie-Europe le détour par le cap de Bonne espérance, soit des milliers de kilomètres, des tonnes de fioul, des jours de voyage, les salaires des équipages, les pénalités de retard exigées par les affréteurs. Interrogé sur ses intentions, Saadé a bien voulu consentir à envisager une participation de sa part, si la situation perdure.

Mais après s’être ainsi expliqué, ou plutôt défaussé, l’armateur a présenté ses demandes. D’abord, bien qu’ayant promis pour 2050 une décarbonation de sa flotte faite d’au moins 600 navires, dont quelques dizaines de géants des mers, il se demande comment y arriver, façon verte et polie d’exiger de nouvelles subventions. D’autant que d’après Saadé, dans la bataille mondiale pour la propriété des ports, « la France reste trop souvent spectatrice ». Selon l’armateur, deux groupes, l’un soutenu par les États-Unis et l’autre par la Chine, sont en train de se partager les installations portuaires autour du monde et lui, modeste armateur marseillais, n’a pas la puissance financière nécessaire pour se mêler à la bataille. « Une société qui contrôle autant de terminaux, cela fait froid dans le dos », conclut- il.

La presse rend pourtant compte de la liste de navires, d’installations portuaires, de lignes de chemins de fer, d’entrepôts logistiques, de flottes de camions et d’avions-cargos, de journaux, radios et télévisions, etc. de la galaxie CMA CGM. On y apprend en outre, le 22 septembre, que la compagnie a acheté une des principales entreprises ferroviaires britanniques, soit 78 locomotives et 2 000 wagons, devenant ainsi le premier transporteur de conteneurs au départ, à l’arrivée et à l’intérieur du Royaume-Uni.

Reste la question posée par les députés : en quoi l’activité de CMA CGM est- elle profitable « au pays » ? Eh bien, grâce au soutien inconditionnel et permanent des pouvoirs publics, l’activité de la compagnie a permis de porter la fortune personnelle de Rodolphe Saadé à près de huit milliards d’euros en 2025. De quoi rendre « le pays » fier de ses milliardaires !

Partager