CMA CGM  : la croissance d’un parasite14/05/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/05/une_2963-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C5%2C1265%2C1645_crop_detail.jpg

Leur société

CMA CGM  : la croissance d’un parasite

Rodolphe Saadé, le patron-propriétaire de CMA CGM, troisième armateur de porte-conteneurs et un des premiers groupes mondiaux de logistique, a été interrogé par une commission sénatoriale, lundi 12 mai.

Quoique cette commission examine les aides de l’État aux entreprises, Saadé n’a eu à répondre que sur deux points : la taxe au tonnage et son attitude vis-à-vis du président Trump lorsque ce dernier l’a reçu à la Maison Blanche. Le directeur financier de CMA CGM, un ancien directeur du Trésor qui a rejoint la cohorte de hauts fonctionnaires et anciens ministres salariés par Saadé, a certes chiffré à 5,7 milliards d’euros l’économie faite par l’entreprise aux dépens des caisses publiques, pour la seule année 2022. Mais, a-t-il ajouté, la taxe au tonnage n’a pas coûté aussi cher à l’État et pas rapporté autant à l’entreprise tous les ans, donc tout va pour le mieux. Les sénateurs ne l’ont pas contredit.

Saadé s’est expliqué lui-même sur sa visite à Trump et sur la promesse d’un investissement de 20 milliards de dollars aux États-Unis, alors même que le président et le gouvernement français appellent les patrons au patriotisme économique. L’armateur a minimisé l’investissement, banal selon lui, affirmé que seul Trump en avait fait un événement et expliqué que CMA CGM investissait partout et tout le temps.

C’est en effet le cas. En ne parlant que des dernières semaines, le 25 avril, l’armateur s’est offert 51 % du premier opérateur portuaire du Brésil et propose d’acquérir le reste. Le 28, une filiale de CMA CGM a acheté le logisticien turc Borusan, ses 4 000 salariés et ses 600 000 mètres carrés d’entrepôts. Le 30 avril, le groupe a « sauvé » Air Belgium en conservant 124 emplois sur 400 et, c’est ce qui compte, en devenant propriétaire de quatre avions gros porteurs supplémentaires. Le 2 mai, Saadé s’est assuré la gestion du premier port syrien, Lattaquié, pour les trente ans à venir. Le 10, il a annoncé son rachat de la chaîne Chérie 25, un an après le rachat du groupe BFMTV. Enfin, le 12, pour l’ouverture du Festival de Cannes, le groupe prend 20 % de Pathé, principal industriel du cinéma en France.

Les sénateurs s’interrogent gravement sur les aides publiques à CMA CGM et les plus radicaux contestent poliment un million par ci, par là. Mais le fait est que ni la survie de l’entreprise dans ses premières années ni sa spectaculaire croissance n’auraient été possibles sans l’aide de l’État, sans l’adaptation des lois à ses besoins particuliers, sans la présence de ses hauts fonctionnaires et la bénédiction de ses ambassadeurs, quand ce n’est pas celle du président lui-même. Saadé est de tous les voyages présidentiels et ses acquisitions et prises de participation aux quatre coins du monde ont un rapport étroit avec la diplomatie du pays.

Seuls les résultats exceptionnels de CMA CGM depuis 2022, une véritable extorsion due au monopole qu’il exerce avec ses deux complices sur le trafic maritime mondial, permet les rachats en cours. Ils n’ont d’investissement que le nom puisqu’il s’agit de reprendre des entreprises déjà existantes pour renforcer encore son monopole et donc les possibilités d’extorsion. Avec MSC et Maersk, la pieuvre CMA CGM étend ses tentacules sur tous les océans, tous les ports et bientôt sur les entrepôts, les routes et les couloirs aériens, se donnant les moyens de rançonner la Terre entière.

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