- Accueil
- Lutte ouvrière n°2963
- Cognac : ivresse des profits, gueule de bois des emplois
Dans les entreprises
Cognac : ivresse des profits, gueule de bois des emplois
Le PDG de Hennessy, propriété de LVMH et de Bernard Arnault, vient d’annoncer la suppression de 1 200 emplois d’ici trois ans, soit 13 % des effectifs du groupe.
Le PDG ne se gêne pas pour dire que cela se fera sans recourir à un plan social, par « une baisse drastique de l’appel aux intérimaires, la non-reconduction des contrats précaires et des propositions de départs volontaires », comme si c’était positif. Il justifie cette saignée par la baisse importante des ventes de cognac, en particulier à l’exportation, aux USA et en Chine, une baisse qui concerne l’ensemble des maisons de cognac.
Cette baisse des ventes a commencé il y a plusieurs années, avant l’épisode de l’augmentation des droits de douane à l’importation aux USA et en Chine. Elle fait suite à une période où la production et la vente de ces produits de luxe se sont emballées. C’est ainsi qu’en 1997, Bernard Arnault était venu à Cognac pour l’inauguration d’une nouvelle unité de production en disant : « Chaque fois que je viens ici, on me demande plus de production ». Toutes ces sociétés de négoce ont accumulé des profits considérables, leurs cours boursiers ont augmenté, leurs propriétaires se sont enrichis démesurément, à l’instar de Bernard Arnault, dont la fortune, qui croît de 10 000 euros chaque seconde, lui permet d’acquérir yacht, château, terres et bien des sociétés.
À la source de ces fortunes, il y a le travail de milliers d’ouvriers. Même avec des ventes en diminution, les profits se maintiennent, tant règnent précarité de l’emploi, salaires très bas et primes aléatoires sur les exploitations agricoles et les chaînes d’embouteillage. Même au sommet de la profitabilité, le patronat avait refusé aux travailleurs les retombées de ces superprofits. Témoin ces mouvements de grève en février 2025 qui ont touché Martell (qui appartient à la multinationale Pernod- Ricard) alors que la firme réalisait son deuxième meilleur exercice et refusait le versement d’une « prime de partage de valeur ».
Actuellement, toutes les maisons de négoce ont décidé de faire payer la crise aux travailleurs. Toutes manœuvrent pour réduire la masse salariale, comme Hennessy, qui fait passer de cinq à quatre jours l’ouverture du site de production de Bagnolet, ou recourent au chômage partiel, comme Rémy Martin, dont les travailleurs perdent 7 % de leur salaire. Pour faire bonne mesure, toutes aussi, comme Martell, veulent réduire de 30 % les volumes d’eau de vie achetés à plus d’un millier de viticulteurs qui, du coup, parlent d’employer moins de salariés.
Face à cette situation, les premiers à réagir ont été les viticulteurs, réclamant l’intervention de l’État. En novembre 2024, il y a eu une mobilisation des travailleurs à Cognac lorsqu’ils ont appris la décision de transférer l’embouteillage en Chine, un projet que Hennessy a finalement abandonné. Il est maintenant question d’une manifestation à Paris contre les suppressions d’emplois massives.
L’inquiétude est là. Qu’une multinationale comme LVMH, qui a accumulé tant de profits, dont le propriétaire gagne l’équivalent d’un smic toutes les 15 secondes, prépare des milliers de suppressions d’emplois et appauvrisse toute une région, est inacceptable.