Colas – Mayotte : en lutte pour les salaires et la dignité16/04/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/04/P11-1_Piquet_gr%C3%A8ve_Colas_14_avril2025_C_LO.jpg.420x236_q85_box-0%2C75%2C800%2C525_crop_detail.jpg

Leur société

Colas – Mayotte : en lutte pour les salaires et la dignité

Le 25 février, à Mayotte, la grève a démarré chez ETPC, filiale de Colas, contrôlée par le groupe Bouygues, qui exploite une carrière de granulats et fabrique parpaings et bordures. Les travailleurs revendiquent le versement de 3 000 euros de « prime Chido ».

Illustration - en lutte pour les salaires et la dignité

Un jugement du 20 mars, imposant la levée du premier piquet de grève avec une astreinte de 1 000 euros par jour, a contraint à la suspension du mouvement. Cependant, les travailleurs de Colas, à leur tour, se sont mis en grève et se heurtent depuis à l’acharnement judiciaire du patron. Celui-ci a essayé par deux fois de les contraindre à lever leur piquet de grève. Il a obtenu la mise en place d’une médiation, grâce à laquelle il entend bien faire prévaloir ses intérêts.

Ce n’est sans doute pas un hasard si, la veille de cette décision, la direction de Colas a publié un très long communiqué de presse, relevant du conte… ou de la menace contre les grévistes. Colas prétend donc « accompagner les collaborateurs et participer activement à la reconstruction de l’île », et regrette vivement que « des mouvements sociaux aient provoqué des blocages illégaux, des tensions sur plusieurs sites ainsi que des perturbations de l’activité ».

À Mayotte, l’essentiel des marchés de travaux publics est réparti entre Colas et Vinci. Ces deux groupes semblent s’entendre pour se les partager sous le regard complaisant des autorités. Leur emprise sur le territoire est telle que, si l’on a besoin d’un huissier ou d’un avocat dans une affaire contre Colas, il faut aller les chercher hors de Mayotte.

À l’issue de la dernière audience, on a pu voir le patron de Colas sortir tout sourire en serrant la main de la juge. Cela ne peut que donner du crédit à un bruit rapporté par un gréviste : « Le patron a dit qu’il allait nous « laisser crever », une phrase lourde de sens dans un contexte où la vie est de plus en plus chère à Mayotte. À titre d’exemple, le kilo de bananes coûte 7 euros, contre moins de 2 euros dans l’Hexagone, si je n’avais pas un petit champ pour cultiver, je ne pourrais pas m’en sortir, et je ne suis pas le seul. »

Un autre gréviste résume ainsi la situation : « Colas-Mayotte est le premier mondial en dividendes, mais le dernier en salaires. » La grande majorité des travailleurs perçoit des salaires précaires basés sur des contrats de chantier, indexés sur une convention locale, ce qui est un scandale, quatorze ans après la départementalisation.

De plus, la majorité des travailleurs sont d’origine comorienne, et leur présence sur le territoire est conditionnée à leur contrat de travail. Pour eux, faire grève, c’est s’exposer au licenciement et à l’expulsion. Ce chantage fait aussi partie des méthodes d’exploitation. Et puis, il faut subir l’encadrement métropolitain, rémunéré selon les grilles salariales hexagonales bien plus avantageuses.

Le patron, soutenu par l’État, n’hésite pas à faire appel à des sociétés d’intérim, comme Randstad ou Proman, pour remplacer les grévistes. Après plus de deux mois de grève chez ETPC, plus d’un mois chez Colas… les travailleurs savent qu’il faudra un autre rapport de force pour le faire céder. Ils discutent, tout en étant sceptiques, de la perspective de « socialiser la grève ».

Quelle qu’en soit l’issue, ce mouvement est plein d’enseignements qui ne seront pas perdus. D’autres luttes ne manqueront pas, tant le monde du travail subit une exploitation doublée de mépris colonial.

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