- Accueil
- Lutte ouvrière n°2970
- Congo – Rwanda : un accord de pillage
Dans le monde
Congo – Rwanda : un accord de pillage
Le 27 juin, Trump et son chef de la diplomatie, Marco Rubio, ont parrainé à Washington un accord entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Félix Tshisekedi, président de la RDC, et Paul Kagamé, président du Rwanda, doivent venir le finaliser en juillet.
Alors que les combats ravagent l’est de la RDC, les raisons de l’implication américaine ne sont pas humanitaires. Trump l’a exprimé crûment en déclarant : « Nous obtenons pour les États-Unis une grande part des droits miniers du Congo ».
Depuis janvier, le groupe armé M23 contrôle une large partie de la région du Kivu, dont sa capitale, Goma, avec l’appui de 5 000 soldats rwandais. Selon l’accord signé, ceux-là devraient se replier au Rwanda, pendant que l’armée congolaise désarmerait les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). Issues des milices ayant massacré en 1994 les Tutsis du Rwanda – ainsi que les Hutus s’opposant à ces massacres –, elles s’étaient repliées, en juillet 1994, au Congo voisin, avec la bénédiction de l’armée française. Des chefs de guerre tutsis congolais avaient alors formé l’ancêtre du M23 pour se protéger de leurs exactions. Les guerres sans fin qui ravagent la région découlent donc largement du génocide de 1994, dont les dirigeants français ont été les premiers responsables. Depuis, le pillage des minerais dont regorge la région a alimenté les conflits, et plus encore les profits des grands groupes occidentaux, Apple, Tesla, Dassault, Samsung ou Siemens.
Ainsi la mine de Rubaya fournit 15 % de la production mondiale de coltan, indispensable aux productions électroniques et médicales. Le M23 la contrôle depuis avril 2024, succédant à d’autres chefs de guerre congolais, et en tirerait 800 000 dollars par mois. Mais, pour les 3 500 mineurs qui creusent avec de simples bêches, c’est toujours l’exploitation, des effondrements meurtriers et la misère.
La région regorge aussi d’étain, nécessaire aux soudures électroniques. En avril, les États- Unis ont obtenu le retrait du M23 de la troisième mine d’étain au monde, exploitée par Alphamin, une compagnie détenue par des actionnaires américains et émiratis. Ce retrait a permis de relancer la production, sauvant les affaires d’Alphamin, même si les affrontements continuaient ailleurs au Kivu.
Les tractations sous parrainage américain ont évidemment été menées en secret des premières concernées, les populations congolaise et rwandaise. Les chefs du M23 n’y ont pas été conviés et rien ne dit qu’ils respecteront l’accord signé à Washington. Depuis janvier, le mouvement a mis sur pied un véritable appareil d’État dans le Kivu, enrôlant des soldats et prélevant des impôts.
Si le M23 a des liens avec le Rwanda, ses dirigeants sont des chefs de guerre et des politiciens congolais, comme Corneille Nangaa, le président de la commission électorale qui a validé l’élection de Félix Tshisekedi en 2018. Si le M23 a facilement pris le pouvoir à Goma, c’est d’abord parce que l’armée congolaise s’y est effondrée : à plus de 2 000 km de la capitale, Kinshasa, l’État congolais ne contrôle pas l’est du pays.
Macron a salué cet accord car quelques capitalistes français sont présents, comme Pierre Castel, qui possède une brasserie au Nord-Kivu et dont la fortune s’élève à 14 milliards d’euros, à comparer aux 16 milliards d’euros du budget de l’État congolais ! Mais la puissance à l’offensive est l’impérialisme américain, qui a fait de la RDC un des terrains de sa guerre économique contre la Chine. En décembre 2024, Joe Biden s’était rendu en Angola, pour défendre un projet ferroviaire destiné à exporter le cuivre du sud de la RDC en contournant les actuelles voies d’exportation, contrôlées par des compagnies d’État chinoises.
L’accord signé le 27 juin à Washington peut servir les compagnies liées à l’impérialisme américain qui lorgnent les ressources congolaises et rwandaises. Mais il n’augure rien de bon pour les populations qui survivent depuis des décennies au milieu des affrontements. Contrairement aux mensonges l’attribuant à une « malédiction africaine », ce chaos se nourrit du sous-développement de transports, d’industries et de services publics utiles à la population. Ces carences massives sont l’héritage de la colonisation, aggravées par des décennies d’un pillage impérialiste mortifère.