Crise politique : un système à bout de souffle08/10/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/10/P3-1_Man%C3%A8ge_Lecornu_Borne_Retailleau_OK_Lupo.jpg.420x236_q85_box-0%2C6%2C789%2C451_crop_detail.jpg

Leur société

Crise politique : un système à bout de souffle

L’incapacité des Premiers ministres successifs nommés par Macron à former des gouvernements capables de faire voter leur budget à l’Assemblée nationale a des causes plus profondes que l’irresponsabilité des politiciens et la psyché de Macron.

Illustration - un système à bout de souffle

Lecornu s’est heurté à la même quadrature du cercle que Barnier et Bayrou avant lui : l’impossibilité de trouver une majorité de députés pour le soutenir dans une Assemblée nationale coupée en trois blocs plus ou moins égaux sans aucune majorité. Formellement, cette situation résulte de la dissolution décidée par Macron en juin 2024 après la gifle électorale reçue aux Européennes. Elle résulte encore des tractations entre des partis concurrents pour réaliser des fronts d’une sorte ou d’une autre, le NFP à gauche avant les élections, le front républicain entre la gauche et les macronistes contre le RN entre les deux tours.

Pourtant, la plupart des partis représentés au Parlement ont déjà gouverné ensemble, dans des coalitions ou sous forme de cohabitation. Des macronistes ont commencé leur carrière au PS comme Borne et d’autres chez LR, comme Lecornu. LR reprend le programme du RN et ses cadres passent régulièrement au RN. Des insoumis viennent du PS ou des Verts. Et si le torchon brûle aujourd’hui entre le PS et LFI, si le PS fait des offres de service à Macron tandis que LFI appelle à sa démission, les députés des deux partis se sont fait élire ensemble sur un même programme.

Quand ils ont exercé le pouvoir, ces partis ont tous mené la politique exigée par le grand patronat dans cette période de crise économique. Les uns ont complété les lois initiées par les autres, comme les réformes successives des retraites imposées depuis 2003, qui ont progressivement porté l’âge de départ de 60 à 64 ans tandis que le montant des pensions était réduit. Tous ont arrosé le grand patronat d’argent public, se contentant de changer le prétexte et le nom du dispositif. Tous ont apporté leur contribution aux attaques anti- ouvrières, à la généralisation de la précarité, à la démolition du code du travail, sous l’égide de Bertrand, El Khomri ou Borne. Tous ont laissé le patronat licencier à sa guise, ruinant des régions entières.

Au fond, les partis qui ont alterné au pouvoir pendant des décennies, de droite et de gauche, se sont discrédités auprès de leurs électeurs précisément parce qu’ils ont mené cette politique contre les classes populaires. En prenant leur relais, les macronistes, qui prétendaient dépasser ce clivage, se sont usés encore plus rapidement, plongeant le système parlementaire dans une crise sans fin.

Ce ne sont pas leurs convictions qui empêchent les différents partis de former une grande coalition pour mettre en œuvre, ensemble, la politique réclamée par la bourgeoisie, ce que déplorent les commentateurs qui comparent avec la situation dans d’autres pays et ce que dénoncent les représentants du patronat qui traitent ces chefs de partis d’irresponsables. Ce qui les en empêche, ce sont les calculs à court terme des uns et des autres, leurs rivalités dans la perspective de l’élection présidentielle de 2027, de possibles élections législatives anticipées ou des prochaines élections municipales.

Car dans un système parlementaire, pour qu’une écurie politicienne puisse remplacer sans à-coup celle qui s’est usée au pouvoir, il faut que les partis en lice puissent promettre autre chose que « du sang et des larmes » à leurs électeurs avec une certaine crédibilité. Dans une époque de crise, de guerre commerciale et de marche à la guerre, c’est bien cette démocratie bourgeoise qui atteint une nouvelle fois ses limites, parce que la bourgeoisie elle- même est de plus en plus incapable de diriger la société.

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