Éleveurs de porcs : les dindons de la farce ?24/09/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/09/une_2982-c.jpg.445x577_q85_box-16%2C0%2C1287%2C1649_crop_detail.jpg

Leur société

Éleveurs de porcs : les dindons de la farce ?

Depuis octobre 2024, l’Union européenne taxe les importations de voitures électriques chinoises à 35 %. L’État chinois vient d’annoncer, en réponse, une taxe à partir du 10 septembre allant jusqu’à 60 % sur les importations de porc venu de l’UE.

En France, les industriels du porc ont annoncé dans la foulée que les prix qu’ils paieront aux agriculteurs risquaient de baisser.

L’UE avait mis en place cette taxe sur les voitures électriques en dénonçant les « subventions chinoises considérées comme déloyales ». Le gouvernement chinois, en retour, dénonce le fait que son industrie « a subi un préjudice important » du fait du « dumping » pratiqué par l’UE sur le porc. Autant d’arguments qui, de part et d’autre, ne manquent pas de piquant.

En France, l’organisme professionnel Inaporc s’est empressé de dénoncer ces nouvelles taxes qui pourraient, d’après lui, faire perdre à la filière porcine française 500 millions d’euros. Cette association prétend représenter les intérêts de toutes les professions concernées, du producteur de porcs au boucher de quartier en passant par les abattoirs et la grande distribution. Mais quand elle dit défendre les intérêts de la « filière porcine », il faut comprendre la défense des intérêts des capitalistes de la production, de l’abattage, de la transformation et de la grande distribution.

Le président d’Inaporc, Philippe Bizien, est lui-même un véritable capitaliste de l’agriculture : à la tête d’un des plus gros élevages de Bretagne avec 750 truies, il dirige une entreprise construisant des unités de méthanisation, pour la transformation des déchets en gaz, et il est président d’un groupement d’éleveurs. Comme le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, c’est un capitaliste déguisé en agriculteur qui prétend défendre les intérêts des producteurs.

Par la voix d’Inaporc, les industriels annoncent donc d’ores et déjà un risque de baisse du prix payé aux éleveurs du fait qu’il y aurait trop de porcs sur le marché européen. C’est une occasion de plus pour réclamer des aides du gouvernement et de l’Europe.

La Chine, qui est le premier consommateur et importateur mondial de porc, avait connu en 2018 une épidémie de peste porcine africaine, entraînant une baisse de la production de 25 %. Des groupes comme la Cooperl, le premier abattoir français de porcs, se sont alors engouffrés dans la brèche pour lui vendre animaux, génétique, aliments, conseils, etc. Mais depuis trois ans, la Chine a reconstitué son cheptel de truies et ses importations de porc ont diminué. Elle importe désormais, essentiellement, ce qui est considéré comme des bas morceaux en Europe : pieds et oreilles.

La Cooperl et les autres abattoirs ont régulièrement invoqué les fluctuations des exportations vers la Chine, ou bien la concurrence allemande, pour justifier les baisses du prix payé aux producteurs ou les bas salaires des ouvriers des abattoirs. Mais ce ne doit être ni aux petits producteurs ni aux salariés de faire les frais de décisions sur lesquelles ils n’ont aucune prise, ou des aléas d’une économie qui fonctionne pour les plus riches.

Partager