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Dans le monde
Espagne : des incendies prévisibles
L’Espagne subit actuellement ce qui est déjà considéré comme l’un des incendies les plus dévastateurs de son histoire, en particulier dans le nord-ouest. Plus de 350 000 hectares ont été entièrement calcinés, dépassant les records de 2022, et les feux sont encore loin d’être éteints. Plus de 30 000 habitants ont dû être évacués, beaucoup ont perdu leur foyer. À ce jour, le 18 août, quatre personnes sont mortes.
L’indignation est générale parmi les habitants des régions touchées, qui constatent le manque de moyens pour lutter contre le feu et, surtout, pour le prévenir. Déjà en 2022, l’un des pires incendies de l’histoire avait eu lieu à Zamora, dans la même zone qui brûle aujourd’hui, sans qu’aucune mesure préventive n’ait été prise depuis. À Llamas de Cabrera, il n’y avait qu’un seul camion pour affronter l’incendie et seulement trois pompiers. De nombreux feux ont pu s’étendre sans qu’un seul pompier soit là pour intervenir.
Les habitants des villages touchés se sont mobilisés pour éteindre les flammes avec les outils dont ils disposaient : tracteurs, pelles, tuyaux d’arrosage ou seaux d’eau. Ils racontent que, s’ils ont réussi, au moins, à freiner l’avancée du feu, c’est souvent uniquement grâce à leurs efforts, sans intervention d’aucune autorité ni de professionnels. Deux jeunes sont morts dans cette tâche.
L’investissement dans la prévention des incendies a diminué de 51 % depuis 2009, et environ 40 % des pompiers forestiers ne travaillent que pendant les mois chauds. Ainsi, les indispensables tâches de prévention ne sont pas effectuées : débroussailler, nettoyer les forêts, dégager les chemins ou créer des clairières pour limiter la propagation du feu et faciliter l’accès au terrain.
Le manque de moyens a été dénoncé depuis longtemps par ceux qui sont chargés de combattre les incendies eux-mêmes. En Castille-et-Leon, par exemple, les pompiers réclament depuis juin davantage de moyens, alertant sur le danger que représente le sous-équipement. Les pompiers forestiers de Madrid sont en grève depuis le 15 juillet, réclamant de meilleures conditions de travail et la fin de la précarité.
Les témoignages des pompiers dans tout le pays, relayés ces derniers jours par les médias, ont provoqué la stupeur : personne ne comprend qu’ils touchent un salaire net de 1 300 euros, primes et compléments inclus.
Chaque catastrophe – pandémie, inondations de Valence en octobre 2024, panne générale d’électricité en avril – révèle les mêmes dysfonctionnements et les mêmes causes. L’investissement dans les services publics essentiels est de plus en plus faible et dégradé. D’innombrables sous-traitants se partagent toujours plus de contrats publics en cassant les prix. Ainsi, entrepreneurs et politiciens intermédiaires font des affaires avec l’argent public.
Par ailleurs, en Espagne comme ailleurs, une part immense et croissante du budget public est consacrée à l’armement. Les crédits militaires doublent, tandis que ceux destinés aux pompiers et à la lutte contre les incendies sont réduits de moitié.