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Leur société
Établissements privés catholiques : violences et loi du silence
L’affaire Bétharram a mis sur la place publique les violences physiques, sexuelles et psychologiques au sein de cet établissement durant des décennies mais aussi dans l’ensemble de l’enseignement privé catholique.
C’est un « tsunami » d’affaires semblables à celle de Bétharram qui déferle, d’après l’actuelle commission d’enquête parlementaire sur les violences dans les établissements privés.
Chaque semaine, deux à trois collectifs d’anciens élèves se créent. Huit de leurs représentants ont livré des témoignages poignants, non seulement sur les violences perpétrées sur les enfants, mais sur l’omerta au sein de l’enseignement catholique et de l’appareil d’État.
Le collectif de Bétharram comprend aujourd’hui 2 000 membres dont 180 ont déjà déposé plainte. La fille de Bayrou a révélé avoir été rouée de coups de poing et de pied à l’âge de 14 ans par un prêtre de la congrégation. La violence n’était pas l’exception mais la règle dans nombre de ces établissements.
Un ancien élève du collège Saint-Pierre-de-Relecq-Kerhuon, près de Brest, explique que les professeurs étaient recrutés non sur leur diplôme mais sur leur accord « avec la pédagogie par les coups ». Les élèves subissaient des séries de gifles à briser les tympans, l’enfermement sous l’estrade, et les séquelles ont été terribles avec des dépressions et des suicides.
Une ancienne élève du Bon-Pasteur d’Angers témoigne de l’horreur subie par des enfants placés par la Ddass dans cette congrégation religieuse, véritable bagne. Travail forcé, des kilomètres de broderie à accomplir avant les cours et, en cas de contestation, les bonnes sœurs enfermaient les jeunes filles tondues « dans le mitard avec un matelas pourri, une couverture et un seau ». En cas de fugues, fréquentes, les autres élèves devaient poursuivre leurs camarades en s’accompagnant de bergers allemands. Selon son témoignage devant la commission d’enquête parlementaire, l’une des fugueuses, blessée, avait été retrouvée dévorée par les chiens au petit matin.
La pédophilie était une pratique courante dans nombre d’institutions privées. Alain Esquerre, le porte- parole du collectif de Bétharram, dit que « les témoignages affluent comme des égouts longtemps bouchés ». Selon lui, « tous les pères directeurs qui se sont succédé dans les années 80-90 [à Bétharram] étaient des agresseurs sexuels qui faisaient leur marché dans les dortoirs la nuit ».
Le point commun est aussi que, loin d’être dissimulés, la violence et les mauvais traitements étaient largement connus et même justifiés par la morale professée en haut lieu, non seulement dans les écoles catholiques mais bien souvent aussi publiques. Il s’agissait, à coups de martinet, de règle et de sévices variés, d’éduquer ou rééduquer la jeunesse, de lui apprendre « à respecter le maître ».
Mais la principale raison de l’impunité dont ont bénéficié ces pratiques dans l’enseignement privé est la complaisance de l’État envers l’Église catholique. 96 % de l’enseignement privé en France est catholique, la plupart de ces établissements étant sous contrat, et l’État payant donc le salaire des enseignants. Le contrôle de ces institutions par l’État est inexistant ou de pure forme. Ainsi, le prêtre pédophile directeur de Bétharram accusé de viol en 1998 avait pu tranquillement partir au Vatican au bout de quinze jours.
L’Église est pour la classe dominante un soutien de l’ordre établi, prêchant la soumission ici-bas et le paradis aux pauvres… après leur mort. Cela vaut à l’enseignement catholique une place que les gouvernants privilégient, en fermant les yeux sur tous ses abus.