État palestinien : les calculs de Macron24/09/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/09/P4-1_Macron_colombe_OK_Lupo1.jpg.420x236_q85_box-0%2C20%2C717%2C423_crop_detail.jpg

Leur société

État palestinien : les calculs de Macron

En reconnaissant l’État palestinien depuis la tribune de l’ONU, Macron, détesté et sans majorité en France, espère apparaître aux yeux du monde comme l’auteur d’un geste historique. Outre que le geste est tardif, il résulte surtout d’un calcul cynique.

Illustration - les calculs de Macron

Depuis son élection, Macron a montré un soutien appuyé à l’État d’Israël. En 2017, il avait invité Netanyahou aux commémorations de la rafle du Vel d’Hiv, faisant ainsi du Premier ministre israélien un porte-parole de tous les Juifs du monde. Il déclarait même en 2022 : « Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif », alors que Jérusalem-Est, annexé par Israël, est la capitale revendiquée par les Palestiniens. Depuis les attaques du 7 octobre 2023, Macron a eu des formules radicales pour affirmer son « soutien indéfectible » à Israël jusqu’à proposer de constituer une coalition internationale contre le Hamas. Il a traité d’antisémites tous ceux qui osaient dénoncer les massacres commis à Gaza par l’armée israélienne et proposé d’assimiler l’antisionisme à de l’antisémitisme.

Le tournant de Macron, accompagné par les dirigeants britanniques, canadiens et par plusieurs autres dirigeants occidentaux qui se bornaient jusque-là à parler d’une « solution à deux États » tout en refusant de reconnaître un État palestinien, est donc aussi récent que calculé. Cette conversion n’est pas motivée par le sort « des centaines de milliers de Palestiniens accablés par la faim, la souffrance, la peur de mourir » comme Macron l’a affirmé à l’ONU. Elle l’est par les intérêts de l’impérialisme français au Moyen-Orient.

La France et la Grande-Bretagne, vieilles puissances impérialistes qui s’étaient partagé le Moyen-Orient il y a plus d’un siècle avant d’être supplantées par les États-Unis, n’ont cessé de manœuvrer pour conserver des positions, faire des affaires avec tous les États de la région, Israël comme les États arabes. Au gré des périodes et des événements, pour assurer les contrats de Dassault, Total, Bouygues, Alstom, la diplomatie française a oscillé entre des prises de position pro-arabes et pro-israéliennes.

Or, depuis deux ans, la fuite en avant guerrière de Netanyahou et ses ministres d’extrême droite, appuyée sans condition par les États- Unis, a changé la donne au Moyen-Orient. L’armée israélienne a pu faire sa loi en toute impunité au Liban, en Syrie, en Iran, au Yémen. Elle a même pu bombarder la capitale du Qatar, un pays qui abrite la plus grande base militaire américaine du Moyen-Orient. Les dirigeants américains n’ont ni empêché ces tirs ni même prévenu ceux qui sont en théorie leurs alliés. Sous la direction de Trump, les États-Unis se montrent pour ceux-ci un protecteur de moins en moins fiable.

Dans ces circonstances, les riches monarchies du Golfe, le Qatar, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, liées aux États-Unis par des affaires et par des accords de défense, et qui étaient toutes prêtes à normaliser leurs relations avec Israël avant l’attaque du 7 octobre 2023, ne peuvent qu’être poussées à élargir leurs alliances. Ainsi, l’Arabie saoudite, après avoir rétabli ses relations avec l’Iran sous le parrainage de la Chine, vient-elle de signer un accord de défense avec le Pakistan. Ses dirigeants s’inquiètent, non pas du sort des Palestiniens, mais du fait qu’Israël impose sa politique à toute la région, compromettant notamment les chances de l’Arabie saoudite de jouer le rôle de puissance dominante du Moyen-Orient.

Les vieilles puissances coloniales, la France et la Grande- Bretagne, s’inquiètent elles aussi de voir leurs possibilités au Moyen-Orient encore affaiblies par la guerre à outrance de Netanyahou et Trump et les changements de rapport de forces qu’elle provoque. En revanche, l’inquiétude des dirigeants saoudiens et des États du Golfe leur offre clairement un créneau.

Bien plus que la recherche d’un « chemin vers la paix » entre Israéliens et Palestiniens, ce sont ces calculs qui sous-tendent le retournement de Macron. La conférence de l’ONU sur la solution à deux États, qui a d’ailleurs été coorganisée avec le prince Mohamed ben Salmane qui dirige l’Arabie saoudite, pourrait faciliter la conclusion de futurs contrats avec les pays de la région.

En bon commerçant qui préserve l’avenir, Macron a aussi cherché, en vain, à présenter aux Israéliens son geste comme la meilleure voie pour assurer leur sécurité : il ne faudrait tout de même pas trop compromettre les affaires possibles de ce côté- là. En attendant, les bombes et les expulsions continuent de frapper les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, sans les convaincre que l’initiative de Macron pourrait les ralentir.

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