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Gabon : le président change, pas le système
Brice Oligui Nguema a été élu président du Gabon le 12 avril avec plus de 90 % des voix. Les électeurs ont plébiscité en lui le tombeur de la dynastie Bongo qui régnait sur le pays depuis 1967.
Les illusions suscitées par cette arrivée au pouvoir risquent cependant de ne pas faire long feu tant la politique annoncée s’inscrit dans le même cadre que celle des prédécesseurs.
Le 30 août 2023, une heure après les résultats truqués d’une élection proclamant la victoire d’Ali Bongo, le général Brice Oligui Nguema s’était emparé du pouvoir à la tête des hommes de la garde républicaine. Ce militaire était un pur produit du système, ancien aide de camp d’Omar Bongo à la tête du pays de 1967 à 2009, puis chef de la garde républicaine sous son fils Ali. À la différence des putschistes du Sahel, il a d’emblée assuré n’avoir aucune intention de rompre ses liens avec la France. La base française de la capitale Libreville existe toujours, même si ses effectifs ont fortement diminué, et si elle est désormais partagée avec l’armée gabonaise. Le nouveau président passe aujourd’hui pour l’un des meilleurs amis africains de Macron.
Le Gabon reste ainsi dans l’orbite de la France comme il l’a été depuis sa naissance. Il était alors choyé comme un pays producteur de pétrole censé prendre le relais du Sahara après l’indépendance de l’Algérie. La compagnie pétrolière Elf, devenue depuis TotalEnergies, y faisait la loi, protégée par Omar Bongo, une créature de Jacques Foccart, le conseiller Afrique de De Gaulle. Elf arrosait en retour le clan Bongo, et une partie des commissions parvenait à des hommes politiques français. Sous Ali Bongo, le système s’est perpétué et les compagnies françaises, de conserve avec celles d’autres pays impérialistes, ont continué à piller les richesses du pays. Voitures de luxe et villas sur la Côte d’Azur étaient le fruit de cette corruption pendant que la population vivait dans la misère. Cela suffit à expliquer le succès de celui qui a débarrassé le pays de ce clan de prédateurs.
Aujourd’hui, la société française Eramet exploite au Gabon la plus grande mine de manganèse du monde. Le groupe franco-britanique Peremco, spécialiste des gisements en fin de vie, est quant à lui le principal producteur pétrolier du pays après que Total lui eut vendu une grande partie de ses gisements. Il est régulièrement dénoncé pour les dégradations imposées aux fleuves et à la mangrove. TotalEnergies assure encore une grande partie de la production. Ces richesses sont concentrées dans un pays qui n’a que deux millions et demi d’habitants, et pourraient permettre la satisfaction des besoins élémentaires de la population s’il n’y avait la ponction des multinationales et de la caste politique. De ce fait, bien des Gabonais ont du mal à survivre à cause de l’absence d’infrastructures de base. L’eau potable est une denrée rare. Comme le disait un habitant de Libreville, « au Gabon il y a de l’eau partout sauf dans les robinets », ce qui oblige les habitants et souvent les enfants à aller en chercher surchargés de bidons. Fait significatif, à Moanda, la ville du manganèse, la filiale d’Eramet en est encore à promettre aux habitants des fontaines d’eau potable alors que, s’il est une entreprise bien équipée pour creuser des puits, c’est bien elle. Il en est de même pour l’électricité. À Libreville, les coupures sont la règle et ceux qui ne peuvent pas se payer un bloc électrogène en sont réduits aux bougies. Le chômage frappe toute la jeunesse. Le seul geste de Brice Oligui Nguema pour y remédier a été de permettre aux jeunes des quartiers de bénéficier d’un prêt pour acquérir 400 tricycles motorisés. Il s’agirait de favoriser l’entrepreneuriat...
En perpétuant ce système, le nouveau président ne pourra que maintenir la population dans sa misère actuelle, avec tout au plus une corruption moins ostentatoire. La France n’aura qu’à s’en réjouir, mais les travailleurs gabonais, eux, y trouveront des raisons de renverser eux- mêmes ce nouveau régime si semblable pour eux au précédent.