Guerre en Ukraine : Trump et Poutine, larrons sanglants13/08/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/08/une_2976-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guerre en Ukraine : Trump et Poutine, larrons sanglants

Le cours de la guerre en Ukraine allait-il se jouer le 15 août entre les présidents américain et russe ? En tout cas, le fait qu’ils aient choisi l’Alaska pour discuter d’annexions russes en Ukraine, comme Trump l’a annoncé, est tout un symbole.

En effet, l’Alaska avait appartenu à la Russie jusqu’à ce qu’en 1867 le tsar Alexandre II la vende aux États-Unis, pour contrer l’expansion en Amérique du Nord de l’Angleterre, la première puissance mondiale d’alors, qui y possédait déjà l’immense Canada.

Dans une conférence de presse tenue le 11 août, Trump a repris le ton qu’il avait après son élection. Il a justifié ne pas avoir convié Zelensky à ce sommet – « Il est là depuis trois ans et demi, et il ne s’est rien passé » – et présenté Poutine comme l’ayant « invité à s’impliquer » dans la résolution de cette guerre, en ajoutant : « Je pense que nous aurons des discussions positives. »

Bien malin qui peut départager ce qui relève là des habituelles rodomontades de Trump – qui se vante d’être un « bon vendeur », en tout cas de sa personne – et ce qui renvoie au travail, en coulisses, des émissaires des deux parties qui ont préparé la rencontre. On imagine sans difficulté qu’ils ont depuis des semaines déblayé le terrain, trouvé des points d’accord et des façons de les formuler telles que Trump et Poutine puissent, le 15 août, se targuer d’avoir avancé dans le sens d’un accord.

On peut même être certain que cela fait des mois que la partie américaine, qui a la maîtrise du jeu, et la partie russe s’accordent sur une telle issue. Pour les deux camps, la question n’est plus tant de devoir conclure cette guerre comme ils l’ont engagée : dans le dos et avec la peau des populations d’Ukraine et de Russie. Tout leur problème est désormais de faire accepter ce qu’ils auront et ont déjà décidé.

Cela concerne Zelensky, le président ukrainien « allié » de Washington, dont Trump n’a plus vraiment besoin. Et il ne rate pas une occasion de lui signifier que son poste à la tête de l’Ukraine est aussi précaire que l’intégrité territoriale du pays.

Il y a aussi les alliés européens que Trump a écartés du « deal » qu’il négocie avec Poutine. Les membres de l’Union européenne ont beau s’époumoner en criant que « le sort de l’Ukraine ne peut se décider sans l’Ukraine », et en fait sans eux, cela ne change rien.

Comme lot de consolation, Washington a cédé, ou plutôt vendu aux Européens, sa place de principal pourvoyeur d’armes à l’Ukraine, car ils doivent acheter une partie d’entre elles aux entreprises américaines d’armement ! Il ne faudrait pas que ce secteur-clé du capitalisme américain pâtisse du fait que Trump veuille maintenant en finir avec cette guerre. Les dirigeants américains ne se sont bien sûr pas transformés de faucons en colombes, alors que c’est eux qui ont provoqué l’affrontement en Ukraine. Cette guerre a été le résultat de trois décennies d’une politique d’encerclement constant de la Russie par les troupes de l’Otan, de pression militaire accrue sur ses frontières. Les États-Unis et les autres pays de l’Otan, dont la France, ont combattu la Russie par Ukraine interposée, et c’est la réalité de la politique des puissances impérialistes.

Aujourd’hui, la principale d’entre ces puissances estime avoir assez affaibli la Russie, jusque dans son pré carré de l’ex-URSS – au point que c’est à la Maison-Blanche et non plus au Kremlin, du jamais vu, que vient d’être signé un accord territorial entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Les États-Unis veulent pouvoir consacrer leur politique, leurs forces et leurs ressources à préparer d’autres conflits, et d’abord avec la Chine. Et puis, ils veulent sans doute pouvoir profiter « paisiblement » de tout ce que la guerre en Ukraine leur a apporté en termes de mainmise sur l’économie du pays et ses richesses.

Malgré son agacement affiché à voir Poutine tarder à aller dans le sens voulu par Washington, Trump peut d’autant plus le ménager qu’il a face à lui le représentant d’un État affaibli. Le dirigeant russe peut d’autant plus se satisfaire de se voir publiquement traité avec certains égards qu’il a besoin, en Russie même, de présenter son « opération militaire spéciale » comme une réussite. C’est faire oublier qu’en février 2022, quand il l’a lancée, il escomptait que Kiev et le régime de Zelensky tombent en quelques jours.

En attendant de savoir si un projet de cessez-le-feu peut sortir du sommet en Alaska, ceux qui vont continuer à tomber sont les soldats et les civils ukrainiens et russes, à un rythme encore plus effréné. Car c’est une des règles des guerres qui se terminent, que les états-majors politiques et militaires veuillent s’assurer les meilleures positions pour les négociations finales sur des montagnes de cadavres.

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