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Leur société
Guyane : Darmanin veut rouvrir le bagne
Retailleau et Wauquiez en ont rêvé, Darmanin prétend l’avoir décidé. Une nouvelle prison de haute sécurité devrait être construite en Guyane. Et comme un symbole, c’est à Saint-Laurent-du-Maroni, ancienne colonie pénitentiaire, que cette prison devrait être édifiée.
« Construite au milieu de la jungle », comme le décrit le JDD, cette prison serait un îlot perdu loin de la Métropole. Ce mépris colonial en dit long sur ce que pensent Darmanin et ses amis journalistes de la Guyane : une terre pour exilés. Le nouveau bagne serait équipé de 500 places, dont une partie réservée aux narcotrafiquants et une autre aux détenus fichés S ou radicalisés. Le tout coûterait 400 millions d’euros. Dans la surenchère réactionnaire pour flatter l’électorat de droite et d’extrême droite, cette annonce sert Darmanin et ses ambitions présidentielles, notamment face à Retailleau ou au RN.
L’annonce de Darmanin, via la presse a provoqué de vives réactions dans la classe politique mais aussi dans la population en Guyane.
L’ensemble des élus s’est élevé contre cette annonce, qualifiée de « brutale » par la presse locale. Le président par intérim de la CTG (Collectivité territoriale de Guyane), Jean-Paul Fereira, a estimé que « la Guyane n’a pas vocation à accueillir les criminels et terroristes de la France hexagonale… La CTG s’oppose fermement à un projet carcéral qui consisterait à recevoir les détenus les plus dangereux de France, dans une reconstitution du bagne de très mauvais goût. » Derrière ces indignations, il y a surtout la réaction de politiciens choqués de ne pas avoir été consultés.
Dans la population guyanaise, cette annonce ne passe pas non plus : « On est la poubelle de la France », réagissait une passante interrogée sur Guyane la 1ère. Mais, surtout, écrire, comme l’a fait le JDD, « À perte de vue la jungle. Un océan de feuillages serrés, moites, impénétrables. Pas une route, pas une ligne électrique, pas un souffle humain […] les cris rauques des singes […] on avance plus à la machette qu’en voiture… », c’est vraiment se moquer du monde, dans la mesure où la prison devrait être construite aux abords d’une ville de plus de 50 000 habitants ! Cela ne peut qu’alimenter le sentiment de mépris que ressent la population de Guyane. Il y a certes un gros problème d’enclavement : des villages sont uniquement accessibles en pirogue ou en avion, et les problèmes d’alimentation électrique sont nombreux. Mais cette description est grotesque lorsqu’il s’agit de Saint-Laurent-du-Maroni, une des trois principales villes du territoire.
La population se demande aussi en quoi ce serait une bonne idée de faire venir les plus grands narcotrafiquants de France à Saint-Laurent, qui est à proximité du Suriname, pays dont les autorités disent qu’il est la plaque tournante du trafic de cocaïne pour l’Europe. Rappelons aussi qu’il y a quelques semaines, des policiers de la PAF (police de l’air et des frontières) à l’aéroport de Cayenne ont été condamnés pour complicité de trafic de cocaïne. Qui dit que le même genre de trafic ne s’installera pas autour de cette prison ?
Dans les accords de 2017, suite au mouvement qui avait embrasé la Guyane pendant plusieurs semaines, il était, entre autres, question de construire une nouvelle prison, pour améliorer les conditions de détention dans celle de Remire, où la surpopulation carcérale est une des plus fortes d’Europe et dont les conditions ont été dénoncées par les associations et des rapports parlementaires. Manifestement, la prison annoncée par Darmanin ne sera pas faite pour cela. L’accord de 2017 parlait surtout de moyens pour l’éducation, la santé, contre la vie chère, pour la construction et l’entretien des routes, etc. On en est à mille lieues !