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Leur société
Industrie chimique : les capitalistes au biberon
Mardi 8 juillet, la Commission européenne a annoncé, par la voix de Stéphane Séjourné, proche de Macron, un plan de secours pour l’industrie chimique de l’UE : préférence européenne, mesures protectionnistes et, pour limiter le coût de l’énergie, suppression de contraintes réglementaires ou aides publiques sous prétexte de transition écologique.
Les propagandistes de l’industrie chimique, qu’ils soient lobbyistes officiellement appointés, journalistes aux ordres ou hommes politiques serviles, dépeignent un secteur au bord du précipice : à cause des prix élevés de l’énergie, surtout depuis la guerre en Ukraine depuis 2022 qui a privé l’Europe d’une bonne partie du gaz russe, et à cause de la concurrence internationale, en particulier celle des États-Unis ou de la Chine.
La chimie est surnommée « l’industrie des industries », parce que ses produits sont utilisés dans tous les autres secteurs, de la pharmacie à l’automobile en passant par le bâtiment, et elle est certes touchée par la crise économique qui s’est accélérée depuis 2022 : le taux d’utilisation des installations chimiques du monde serait descendu en dessous de 70 %. Face au rétrécissement des marchés, les affrontements se tendent donc entre les grands groupes à l’échelle mondiale.
Cette guerre économique accélère la guerre sociale féroce contre les travailleurs : de BASF en Allemagne à Domo ou Vencorex en France, les fermetures d’usines jugées trop peu rentables et les plans de licenciements privent des milliers d’ouvriers de la chimie de leur salaire.
Mais les capitalistes européens pleurent la bouche pleine : premiers exportateurs de produits chimiques du monde, ils ont plus que triplé le montant de leurs ventes à l’extérieur dans les vingt dernières années. La légère baisse intervenue depuis 2023 est pour eux l’occasion de dramatiser. Leurs taux de rentabilité ont battu des records pendant deux décennies, et les profits ont coulé à flots pour le français Arkema, le belge Solvay et les allemands BASF ou Bayer.
Ces profits n’ont pas été utilisés pour investir et moderniser les installations, mais pour arroser les actionnaires : par exemple, le géant BASF a versé aux siens 3 milliards d’euros de dividendes chaque année depuis 2018, et a annoncé un plan de dividendes et de rachats d’actions de 12 milliards pour les années 2025-2028, alors même qu’il supprime des milliers d’emplois.
Cela n’empêche pas Stéphane Séjourné, membre de la Commission européenne et commissaire à la prospérité et la stratégie industrielle, de justifier le versement d’argent public. Il invoque la vétusté des vapocraqueurs européens, ces installations qui fabriquent les molécules de base pour l’industrie chimique à partir des hydrocarbures, qui ont plus de quarante ans d’âge et dont le remplacement ou la modernisation coûterait entre 1 et 3 milliards d’euros chacun. Face aux installations récentes bâties en Chine ou au Moyen-Orient, parfois par eux-mêmes, les capitalistes européens exigent le soutien des fonds publics pour financer les investissements qu’ils n’ont pas voulu faire, et préparer les profits de demain. La ficelle est grosse, mais les budgets des États et de l’Union européenne sont là pour les satisfaire.