Italie : les travailleurs du textile luttent pour leurs droits25/06/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/06/une_2969-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1271%2C1649_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : les travailleurs du textile luttent pour leurs droits

Alors que les médias s’extasient sur la belle santé de l’économie italienne, basée sur l’existence de « districts industriels », louant les performances et les innovations de centaines de PME pleines d’initiative, la grève des ouvriers de l’un de ces fameux districts éclaire d’un jour bien différent ce « miracle à l’italienne ».

Autour de Prato, en Toscane, le « district du textile » est l’un des plus grands du pays. 50 000 personnes y travaillent pour le prêt- à-porter à bas coût « made in Italy », dans des conditions proches de celles du 19e siècle. Plus de 2 000 usines, souvent vétustes, font travailler des ouvriers immigrés, pour la plupart chinois, bangladais, pakistanais ou afghans, sept jours sur sept, pour des journées de 12 heures et des salaires n’atteignant pas les 1 000 euros. Les arrêts maladie ou les jours de congé n’y existent pas plus que les garanties d’un minimum de sécurité au travail.

Ces travailleurs, souvent sans papiers et sans contrat, sont exploités par des sous-traitants en cascade, parmi lesquels des patrons chinois d’ateliers de coupe, d’impression ou de façonnage, qui écoulent leur production vers de plus grandes enseignes. Les travailleurs chinois subissent quant à eux une double pression : souvent endettés auprès des patrons qui les ont fait venir en Italie, ils sont logés par eux, parfois dans des dortoirs accolés aux ateliers. Une illustration de leur situation avait été donnée en 2013, lorsque cinq hommes et deux femmes qui vivaient et travaillaient dans l’un de ces ateliers étaient morts dans l’incendie du bâtiment, provoqué par un dysfonctionnement du système électrique.

La précarité et la surexploitation n’ont pas empêché ces ouvriers de s’organiser pour défendre ensemble leurs droits. Depuis des années, le syndicat SUDD (syndicat unitaire démocratie et dignité), affilié au réseau Cobas des syndicats de base, cherche à organiser ces travailleurs, qui sont déjà parvenus à arracher dans plusieurs ateliers des contrats établissant la semaine de 40 heures.

À partir d’avril, ils ont lancé leur mouvement baptisé « printemps 8×5 », pour revendiquer la semaine de cinq journées de huit heures. Regroupés autour du mot d’ordre « Collègues d’une seule et même usine, camarades d’une seule et même lutte », les travailleurs d’ateliers ne comptant pas plus de 20 ou 30 personnes se sont unis pour se lancer dans la grève autour du pont du 2 juin, journée fériée de la Fête de la République. Un double symbole puisque ce jour férié était dans ces ateliers une journée de travail de 12 heures comme une autre.

Alors qu’une grève précédente, en octobre 2024, avait vu un piquet violemment attaqué par une équipe de gros bras italiens, les travailleurs ne se laissent pas intimider. Pour s’adresser à leurs camarades chinois, davantage sous la coupe des patrons d’ateliers, ils ont rédigé des tracts dans leur langue. En quatre jours, la grève a touché 28 usines, devant lesquelles les grévistes ont organisé des piquets dynamiques. La mobilisation de centaines de travailleurs du district a abouti à la signature de contrats « 8×5 » dans 24 de ces bagnes-usines, et à des augmentations de salaire permettant enfin de passer la barre des 1 000 euros.

Ces premiers résultats sont un encouragement pour tous ceux qui subissent la loi de la « jungle de Prato » et une démonstration que les travailleurs les plus exploités peuvent aussi être les plus combatifs. Ils envisagent d’ailleurs de « prolonger » ce printemps de lutte pour arracher la victoire là où les patrons n’ont pas encore cédé et étendre le mouvement à d’autres ateliers du secteur.

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