Nos lecteurs écrivent : Hospitalisation à domicile, le stress des soignants04/06/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/06/une_2966-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Nos lecteurs écrivent : Hospitalisation à domicile, le stress des soignants

Je travaille comme aide-soignante en hospitalisation à domicile (HAD), depuis plus de dix ans au sein de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris. Cette structure regroupe 724 professionnels, dont 600 soignants et médicaux, ainsi que 120 employés administratifs. Nous intervenons 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Je voudrais témoigner de la déshumanisation de notre mission en raison des recherches d’économies. Je fais les soins d’hygiène et de confort, essentiellement pour des personnes en soins palliatifs. Cela signifie aussi apporter des conseils et des réponses aux proches de ces patients. Le premier problème est le manque d’effectif. Par exemple, dans les fiches de postes, il est précisé « Vous allez intégrer une équipe de sept personnes ». En réalité, dans mon équipe, nous ne sommes que trois aides-soignants et pas tous à temps complet.

Plutôt que d’embaucher, l’APHP fait de plus en plus souvent appel à des soignants libéraux, même au prix fort. La nuit, seuls deux équipages couvrent l’ensemble de l’Île-de-France. En cas de décès, les familles sont livrées à elles-mêmes. Par exemple, il leur est souvent très difficile d’obtenir d’un médecin un certificat de décès alors qu’elles sont en plein désarroi. En raison de la pénurie de médecins, l’AP souhaite que les infirmières réalisent ces certificats de décès, suite à un décret paru en avril 2025. Mais cela s’ajoute encore à leurs responsabilités.

L’AP a installé, depuis mars, une application, Domilink, prétendant faciliter la vie des soignants et censée diminuer la charge de travail. Mais c’est le résultat inverse. Nous devons badger à l’arrivée et au départ et valider tous les soins. Cela signifie que chacune de nos tâches est chronométrée, mais sans jamais prendre en compte la situation concrète de la personne ou de l’entourage, qui peut considérablement allonger l’intervention, particulièrement en soins palliatifs. C’est donc un logiciel qui planifie la journée en fonction de ces temps calculés. Et pour encore « optimiser nos tournées », nos responsables n’hésitent pas à demander notre adresse personnelle.

Depuis la mise en place de ce dispositif, la surcharge de travail est stressante pour les soignants. Comment par exemple quantifier l’accompagnement d’une famille en train de perdre un proche ? Comment la laisser se débrouiller par elle-même face aux démarches ? Comment conserver une conscience professionnelle et faire preuve d’humanité dans de telles conditions ?

L’aggravation des conditions de travail angoisse nombre de collègues qui se mettent en disponibilité, d’autres en arrêt maladie. D’autres encore changent de secteur. Cela signifie aussi pour les secrétaires, chargées de la logistique de l’HAD, un travail supplémentaire.

Ce n’est pas en soi l’utilisation d’une application numérique qui est en cause mais le fait que l’AP-HP s’en serve pour augmenter la charge de travail et ainsi supprimer des effectifs. Et, pour tous, le sentiment d’être fliqué est insupportable.

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