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Dans le monde
L’indignation tardive des dirigeants européens
Il aura fallu vingt mois de massacre et plus de 62 000 morts à Gaza. Il aura surtout fallu que Trump fasse la moue et que J.D. Vance, son vice-président, annule sa visite en Israël pour que les dirigeants européens Macron et Starmer, et le Canadien Carney estiment devoir élever la voix contre l’extermination de la population de Gaza.
Ces dirigeants européens « ne resteront pas les bras croisés », les a-t-on entendus menacer. Netanyahou doit trembler, lorsqu’ils disent s’opposer « à l’extension des opérations militaires israéliennes à Gaza » en raison du « niveau de souffrance humaine […] intolérable ». Même de Villepin, l’ancien Premier ministre chiraquien, moque « les sabres de bois » brandis par ces dirigeants. Quand bien même ils font mine de demander à Israël d’arrêter ses opérations militaires et de reprendre la distribution d’aide humanitaire, quand bien même ils s’affirment « déterminés à reconnaître un État palestinien en tant que contribution à la réalisation d’une solution à deux États », ce n’est certainement pas ce verbiage officiel qui décidera le gouvernement israélien à mettre fin à l’écrasement de la population de Gaza.
Quel remord a donc motivé ce subit et tardif assaut d’humanité ? Bien sûr, nulle prise de conscience morale n’atteint ces chefs de gouvernement. Mais il se trouve que, quelques jours plus tôt, Donald Trump a marqué de façon visible son « agacement » vis-à-vis de Netanyahou, ne serait-ce qu’en évitant Israël dans son voyage de la mi-mai au Moyen-Orient, lui préférant ostensiblement le Qatar, les Émirats et l’Arabie saoudite. Et c’est en déclarant son amour de ce pays et de ses dirigeants, fussent-ils dépeceurs de journalistes américano-saoudiens, que Trump a affirmé un choix dicté par des intérêts bien directs. Pour les dirigeants européens, il ne s’agit pas alors d’apparaître comme les derniers défenseurs du bourreau Netanyahou, au moment où un Trump pourrait s’en éloigner pour faciliter la conclusion d’alléchants contrats d’après-guerre avec l’Arabie saoudite et les Émirats.
Et voilà pourquoi des baudruches qui n’ont cessé de soutenir depuis des mois la politique de guerre à outrance de Netanyahou affichent soudain des indignations morales.
À présent que la famine de masse menace la population à Gaza, que les camions d’aide humanitaire, les seuls autorisés par Netanyahou et Trump, arrivent au compte-gouttes, tard, trop tard pour beaucoup, on voit un Macron jouer des coudes pour, selon le quotidien Le Monde, prendre « la tête d’un mouvement de condamnation inédit de la guerre ».
Derrière l’opération politique personnelle du président français, il y a tout le cynisme des impérialismes de second ordre qui ne veulent pas manquer d’accéder aux restes tombés de la table du maître.