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Leur société
Loi Mayotte : refondation au bonheur des capitalistes
Les 9 et 10 juillet, derniers votes avant leurs vacances, députés et sénateurs ont adopté le projet de loi de refondation de Mayotte présenté par le gouvernement, sept mois après le passage dévastateur des cyclones Chido et Dikeledi.

Le Rassemblement national a revendiqué « une victoire politique ». En effet le texte contient essentiellement de nombreuses mesures de lutte contre l’immigration clandestine et l’habitat illégal, les deux principaux « fléaux » identifiés par Manuel Valls, ministre des Outre-mer.
La chasse aux migrants, renforcée par des troupes et des matériels, alimente le cimetière marin qu’est le bras de mer entre Anjouan et Mayotte, comme le montre récemment la collision entre un « kwassa », un bateau de migrants, et un intercepteur de la police. Les travailleurs sans papiers tentent chaque jour d’échapper aux contrôles pour ne pas perdre leur emploi.
La loi va encore durcir les conditions d’obtention d’un titre de séjour, quand près de la moitié de la population est étrangère. Elle va faciliter la destruction des bidonvilles, alors qu’un tiers de l’habitat est précaire, et jeter encore plus de personnes dans la précarité totale puisqu’une mesure permet même de déroger à l’obligation d’une offre de relogement au moment d’une évacuation.
Dans le département le plus pauvre de France, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, les montants des droits sociaux ne sont pas les mêmes que dans le reste du pays. Le RSA, par exemple, est deux fois plus bas que dans l’Hexagone. La loi envisage que le smic s’élève à 87,5 % de celui de la métropole le 1er janvier 2026 et une harmonisation des prestations sociales d’ici 2031. Il y a dix ans, c’était le gouvernement Valls qui avait promis un alignement… en 2025 !
Le texte prévoit quatre milliards sur six ans pour la « refondation » mais en fait ne prévoit rien pour répondre aux besoins pressants et criants. 30 % de la population n’est pas raccordée au réseau d’eau potable et tout le monde subit des coupures d’eau quasi quotidiennes. Des milliers d’enfants n’ont pas accès à l’école, aucun programme de réhabilitation des logements, y compris en dur, endommagés par le cyclone, n’a été engagé.
En revanche, ce texte qualifié de « massif » voire d’« historique » par le gouvernement affirme clairement la volonté de renforcer les exonérations de cotisations patronales pour préserver la compétitivité des entreprises, la création d’une zone franche globale pour cinq ans (taux d’abattement à 100%). En outre, Valls promet aux patrons d’« améliorer les délais de paiement public dans les outre- mer » et d’adapter des normes européennes, « parfois sources inutiles de contraintes » pour mieux tenir compte « des réalités des territoires ultramarins ».
Cette sollicitude institutionnelle à l’égard des patrons mérite un petit exemple. Les services de l’État, direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Daaf), le conseil départemental de Mayotte et la chambre d’agriculture, déroulent leurs compétences pour mettre en valeur la décision de GBH, le groupe Bernard Hayot, géant de la grande distribution en outre-mer (Carrefour, Douka Bé à Mayotte), d’investir un petit million d’euros en soutien à la filière maraîchère décimée par le cyclone.
La pénurie de fruits et légumes les plus couramment consommés localement a en effet provoqué une hausse des prix de 9 à 15 % qui pèse sur le budget des familles. Responsable du mouvement de protestation contre la vie chère aux Antilles l’an dernier, GBH vient soigner son image sur ce créneau alimentaire en espérant bien un retour sur investissement, comme on dit chez ces gens-là, et on pourrait se dire qu’il n’a sûrement pas besoin d’aide dans ce genre d’opération publicitaire. Ce serait oublier que l’État est au service de tels capitalistes. Ainsi, les travailleurs se souviendront comment, en 2020, GBH avait combattu, justement avec l’aide des services de l’État, les travailleurs de Bourbon Distribution Mayotte en grève pour les salaires pendant sept semaines. La direction départementale du travail avait refusé de constater les infractions à la loi, comme le fait d’embaucher pour tenter de briser la grève. Le préfet, la police et les tribunaux s’étaient ligués pour arrêter une gréviste et en traîner une dizaine d’autres devant les tribunaux.
Aujourd’hui, sous prétexte de « refondation après cyclone », le gouvernement et les politiciens à plat ventre devant les patrons continuent l’offensive visant à diviser et à affaiblir les classes populaires et les travailleurs en désignant les sans-papiers comme responsables de tous les maux qui les accablent. Cette propagande nauséabonde voudrait cacher une autre réalité : le fait que le mépris de l’État colonial frappe indifféremment les travailleurs, qu’ils aient ou non des papiers, tandis que les patrons les exploitent pareillement.