Madagascar : la colère explose01/10/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/10/P16-1_Manifestants_%C3%A0_Antananarivo_le_30_septembre_C_Rijasolo_AFP.jpg.420x236_q85_box-0%2C42%2C800%2C491_crop_detail.jpg

Dans le monde

Madagascar : la colère explose

À Madagascar, les jeunes manifestent massivement depuis le 25 septembre pour protester contre les incessantes coupures d’eau et d’électricité et contre la perspective d’une privatisation de ce service. Au moins 22 d’entre eux ont été tués par la police et une centaine d’autres blessés.

Illustration - la colère explose

Pour tenter d’endiguer un mouvement qui monte et se radicalise, le président Andry Rajoelina a annoncé lundi 29 septembre qu’il renvoyait son Premier ministre et tout son gouvernement, leur faisant porter la responsabilité d’une situation qui ne cesse de s’aggraver. Mais cela n’a pas suffi et des appels ont été lancés pour continuer la lutte. Mardi 30 septembre, des milliers de manifestants ont investi le centre de la capitale. Plusieurs syndicats ont annoncé leur soutien aux manifestants.

La situation est catastrophique. Les délestages d’eau et d’électricité durent douze heures par jour. De longues files de bidons à remplir s’alignent devant les bornes-fontaines publiques et il faut envoyer un membre de la famille les récupérer quand il y a de l’eau. Pour l’électricité, c’est le même calvaire pour les habitants, mais aussi pour tous ceux qui en ont besoin pour travailler, ceux qui tiennent une petite échoppe de nourriture ou exercent une activité dans l’informatique.

Le mouvement actuel des jeunes qui sur les réseaux sociaux se définissent comme GEN Z a été précédé en juillet dernier par une grève des salariés de la JIRAMA, la société qui s’occupe de l’eau et de l’électricité dans le pays. Le facteur déclenchant avait été l’annonce faite au Journal officiel de la transformation de cette entreprise d’État en société anonyme. Les grévistes avaient profité de leur mouvement pour s’adresser aux habitants des quartiers populaires en leur expliquant que cette mesure aggraverait encore la situation et livrerait l’eau et l’électricité aux vautours du secteur privé. Ils ont ainsi ouvert la voie au mouvement actuel.

La répression et les menaces de poursuites étant restées sans effet, le président avait fini par déclarer : « Il n’y aura pas de privatisation de cette compagnie tant que c’est moi qui suis président. » Il y avait cependant de bonnes raisons de douter de cette promesse et les choses n’en sont pas restées là. En septembre, ce fut au tour des étudiants de l’université d’Antananarivo, la capitale, de se mobiliser. La plupart n’ont d’autre perspective que le chômage et subissent eux aussi le délabrement des services publics et les coupures d’eau et d’électricité, à commencer dans leur faculté. Ils ont appelé la population à se mobiliser contre la privatisation et ont ajouté un volet politique à leurs revendications, le respect des libertés et la lutte contre la corruption qui gangrène le pays. La réponse du gouvernement a été une répression féroce.

Celle-ci n’a pas fait reculer la protestation, bien au contraire. Certains élus de communes populaires participent également à l’organisation du mouvement. Quand le bruit a couru que le président, en déplacement aux États-Unis depuis le 24 septembre, revenait à Madagascar, les manifestants se sont rassemblés dans les communes entourant l’aéroport de la capitale pour lui offrir l’accueil qu’il méritait. Aucun vol n’a pu y atterrir ce jour-là.

Madagascar, ancienne possession française où l’armée coloniale exerça sans discontinuer la pire répression, est aujourd’hui l’un des cinq pays les plus pauvres du monde selon la Banque mondiale. Tandis que les services de base sont inaccessibles à la majorité de la population, une infime minorité de politiciens et de capitalistes locaux mènent une existence dorée au milieu d’un océan de misère. Les trusts impérialistes exploitent par l’intermédiaire de cette mince couche de privilégiés les petites mains de l’informatique ou du textile. Mais ce pillage suscite aujourd’hui une vague de révoltes partout dans le monde, hier au Bangladesh et au Sri Lanka, aujourd’hui à Madagascar.

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