Michelin : l’État finance les licencieurs24/09/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/09/une_2982-c.jpg.445x577_q85_box-16%2C0%2C1287%2C1649_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Michelin : l’État finance les licencieurs

Jeudi 18 septembre, après la journée de grève et de manifestations contre les attaques gouvernementales et patronales, France 2 diffusait dans l’émission Complément d’enquête un reportage intitulé « Multinationales : les vraies assistées de la République ? »

Michelin, qui licencie à tour de bras, est particulièrement ciblé pour les aides reçues de l’État et l’usage qui en est fait. Parmi ces aides de l’État aux grandes entreprises, qui représenteraient 270 milliards d’euros par an et dont personne ne peut fournir une liste exhaustive, les journalistes ont décidé de s’intéresser en particulier au crédit impôt recherche (CIR) et au crédit impôt compétitivité emploi (CICE). Ces deux dispositifs ont été créés sous le dernier gouvernement de gauche en date, celui de François Hollande, qui promettait alors la création de plus d’un million d’emplois. L’ancien président, repeint en rose par le NFP en 2024, semble aujourd’hui scandalisé d’être interrogé sur le peu d’emplois créés suite à cette manne accordée aux capitalistes. Son argument se résume à expliquer que, sans ces aides, la situation serait aujourd’hui encore bien pire.

Le reportage a décrit la manière dont le groupe du numérique Capgemini parvient à toucher 70 millions d’euros du CIR, en affectant des consultants inoccupés à de faux projets de recherche, ou plus simplement en transformant le nom des activités pratiquées, afin de les faire passer pour de la recherche. Les témoignages de plusieurs salariés montrent bien que les rares contrôles effectués par le ministère des Finances n’inquiètent pas vraiment la direction.

Concernant Michelin, c’est l’argent du CICE qui a intéressé les journalistes. En 2019, le groupe avait touché 4,6 millions d’euros à ce titre pour financer l’achat de plusieurs machines pour l’usine de La Roche-sur-Yon. En 2020, Michelin a fermé cette usine et licencié ses 620 salariés, où la plupart des machines n’avaient même pas été installées. Aujourd’hui, elles servent à la production dans d’autres usines de pneus poids lourds du groupe.

Mais tout cela n’est qu’une petite partie des aides touchées par Michelin. Dans un communiqué, le groupe indique toucher 40,4 millions au titre du CIR, et être exonéré de cotisations sociales à hauteur de 32,4 millions. Quant aux « divers dispositifs » par lesquels l’État finance Michelin, on n’en saura pas plus. On peut néanmoins se souvenir que, en 2023, l’entreprise Symbio, qui appartient notamment à Michelin, avait reçu 600 millions d’euros de l’État pour financer l’installation d’une usine de piles à hydrogène à Saint-Fons, usine aujourd’hui menacée par le retrait de Stellantis, son principal client.

Toutes ces aides, directes ou non, conditionnées ou non, sont un aspect du vol opéré par les grands groupes capitalistes aux dépens de toute la société, par l’intermédiaire de l’État. Mais aucun des responsables, y compris le sénateur PCF Fabien Gay, interviewé par France 2, ne remet en cause ce principe. Quand ils se contentent de vouloir « conditionner » ou « flécher » les subventions au grand patronat, ils reconnaissent en réalité que c’est là le rôle de l’État, et de plus en plus à mesure que la crise s’aggrave. À la fin du reportage, Pierre Gattaz, ancien président du Medef, l’a dit assez clairement : « Ces aides, c’est notre pognon. »

Dans un communiqué, Michelin s’est senti obligé de dire qu’il respecte la loi car « le CICE n’était assorti d’aucune conditionnalité ni d’aucun fléchage dans les utilisations qui pouvaient en être faites ». Pourquoi rendre des comptes si personne ne lui en demande ? Et pour démontrer sa vertu et sa bonne foi il dit être prêt à rembourser le prix des machines achetées grâce au CICE. Il le pourrait car ce serait une goutte de 4 millions d’euros dans un océan de profits : 2,17 milliards en 2024. Cette année, les actionnaires en ont récupéré plus de la moitié : 960 millions en dividendes, et 500 millions en rachat d’actions.

À Cholet, où la plupart des travailleurs de l’usine Michelin ont été licenciés cet été, le reportage a été très bien reçu : voir le patron qui vient de vous mettre dehors gêné de devoir s’expliquer est au moins une petite vengeance.

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