Moldavie : bras de fer entre l’Europe et la Russie01/10/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/10/P10-1_Elections_en_Moldavie_Chisinau_le_28_septembre_C_Daniel_Mihailescu_AFP.jpg.420x236_q85_box-0%2C42%2C800%2C491_crop_detail.jpg

Dans le monde

Moldavie : bras de fer entre l’Europe et la Russie

Les élections législatives du 28 septembre en Moldavie, qu’a remportées de peu le parti pro-européen PAS de la présidente, Maia Sandu, ont eu un écho, et pas seulement dans les médias, qui peut surprendre.

Illustration - bras de fer entre l’Europe et la Russie

La raison de ce subit intérêt pour ce tout petit pays des Balkans (2,4 millions d’habitants), situé entre la Roumanie et l’Ukraine, a été donnée par le président ukrainien Zelensky à l’assemblée générale de l’ONU. « L’Europe, a-t-il dit en visant la Russie, ne peut pas se permettre de perdre […] la Moldavie », alors que « la Géorgie a déjà été perdue » et que « la Biélorussie » est dépendante de Moscou ».

La Moldavie, comme d’autres ex- républiques soviétiques d’Europe, dont bien sûr l’Ukraine, est donc un enjeu entre l’Occident impérialiste, qui voudrait que ces pays quittent la sphère d’influence du Kremlin, et la Russie, qui tente de les y garder.

Les pro-européens moldaves, au pouvoir depuis 2021 craignaient de le perdre à l’issue de cette élection car leur politique a aggravé les conditions de vie de la population. Voilà pourquoi ils ont hurlé à la campagne de désinformation de Moscou, aux centaines de millions déversés par la Russie pour acheter des voix. C’est sans doute en partie exact et les médias occidentaux ont largement repris ces accusations. Mais il est au moins aussi vrai que l’Union européenne (UE) a dépensé 1,9 milliard d’euros, « un plan Marshall, 2025-2027, constatent Les Échos, pour aider la Moldavie… à basculer du bon côté. »

Comme il y a vingt ans, lors de l’intégration à l’UE des ex-démocraties populaires, ce « plan Marshall » concerne d’abord l’énergie et les infrastructures nécessaires à la pénétration des capitalistes occidentaux. Autant dire que la majorité de la population n’a pas vu et ne verra pas la couleur de cette manne. En revanche, elle sait que le pays est le second plus pauvre des pays d’Europe, juste avant le Kosovo, que les emplois, même avec des salaires parmi les plus bas du continent, manquent tellement que, après la fin de l’URSS, deux Moldaves sur trois ont dû, à un moment ou à un autre, s’exiler pour survivre. Alors, plus du quart des 2,4 millions de Moldaves travaillent et vivent en Allemagne, en France, en Italie, mais aussi en Russie, et 40 000 à 50 000 jeunes partent chaque année y tenter leur chance.

En 2022-2023, la Moldavie a accueilli 1,5 million d’Ukrainiens fuyant la guerre.

La proportion est énorme, au moment où la population voyait s’effondrer son niveau de vie misérable. Les livraisons de gaz russe, dont l’économie et les foyers moldaves dépendaient à 100 %, ont dû cesser ; le commerce avec l’Ukraine a plongé ; l’inflation a atteint 34 %, avant de revenir à 7 %.

Tout cela explique pourquoi, à la veille des législatives, les sondages n’accordaient au bloc présidentiel que 36 % d’intentions de vote sur place. Le pouvoir a alors pris des mesures. Tout en criant à la manipulation du scrutin par la Russie, il s’est donné les moyens de favoriser son électorat et de gêner celui de l’opposition pro-russe.

Ainsi, il a ouvert 300 bureaux de vote en Europe de l’Ouest – les Moldaves qui s’y trouvent voyant d’un œil favorable la possibilité d’entrer officiellement dans l’UE, mais deux à Moscou pour toute la Russie, alors que de nombreux Moldaves y vivent, un en Biélorussie et un au Kazakhstan. Le gouvernement avait aussi installé des bureaux de vote à proximité de la région industrielle et séparatiste pro-russe de Transnistrie. Mais les ponts sur le Dniestr y donnant accès ont subitement fermé pour réparations ou du fait de barrages de police, voire, comme à Rybnitsa, parce que suspects d’avoir été minés !

Bien sûr, ces « empêchements » ont disparu le lendemain. Mais en imposant de grands détours aux électeurs qui vivent en Transnistrie, ils ont dû en dissuader plus d’un. Au grand soulagement du gouvernement moldave et, on peut le parier, de ses parrains occidentaux.

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