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Nouvelle-Calédonie : un accord contesté, et contestable
Le FLNKS, qui regroupe une partie des partis indépendantistes kanaks, a fait savoir qu’il rejetait l’accord du 12 juillet signé sous l’égide de Macron par tous les partis, qu’ils soient anti- indépendantistes ou indépendantistes.
Cet accord dit de Bougival prévoyait d’instaurer un « État de Nouvelle-Calédonie » au sein de l’État français. Celui-ci aurait conservé la main sur l’armée, la police, la justice, ces fonctions ne pouvant être transférées à l’État calédonien qu’au travers d’un vote des trois cinquièmes du Congrès calédonien. La chose serait d’autant plus impossible qu’en même temps l’élargissement du corps électoral contre lequel s’est insurgée la jeunesse en mai 2024 a été entériné. En guise de souveraineté, on n’en proposait donc aux partis indépendantistes qu’une version croupion. Il est vrai qu’elle pouvait convenir à des notables de ces partis intégrés à l’économie calédonienne.
La droite anti-indépendantiste et l’ensemble des organisations patronales de l’archipel se sont donc largement félicitées de cet accord, qui promettait de mettre fin à l’instabilité politique, tout en assurant le maintien de la domination coloniale de la bourgeoisie française et caldoche. En parallèle, l’État français promettait plusieurs centaines de millions d’euros d’aides au titre de la « reconstruction », conditionnées à la validation de l’accord sur l’archipel.
Parmi les Kanaks, l’accord a été diversement accueilli. Certains des partis kanaks signataires l’ont défendu, le Palika et l’UPM notamment. Ces partis se sont mis en retrait du FLNKS depuis un an après avoir ouvertement désavoué les jeunes révoltés pendant les émeutes de 2024. Mais, sous la pression de certains militants, qui dénonçaient l’accord de Bougival comme une trahison, l’Union Calédonienne, le parti de Christian Tein, leader du FLNKS et emprisonné pendant près d’un an en métropole, annonçait dès fin juillet qu’après consultations, elle rejetait l’accord. Les raisons avancées par l’UC comme ensuite par le FLNKS le 9 août sont qu’il ne comporte pas de chemin possible vers la « pleine souveraineté », la « Kanaky » n’y étant même pas mentionnée et les différents dispositifs institutionnels n’ayant pas été vraiment négociés. Ils entendent donc rediscuter un certain nombre de points, ce que Valls, le ministre des Outre-mers, qui doit partir en urgence pour Nouméa le 18 août, a bien compris.
L’accord de Bougival, qui dans un grossier tour de passe-passe satisfaisait pleinement la bourgeoisie caldoche et française, ne fait que refléter le mépris dont est capable l’État colonial. Les travailleurs, les pauvres, Kanaks ou « petits Blancs » ne trouveront aucunement leur compte dans ces arrangements institutionnels entre notables. D’ailleurs, accord ou pas, gouvernement et patronat calédonien sont à l’offensive. Le gouvernement calédonien a présenté le 30 juillet un projet de budget pour 2026 qui taille dans toutes les dépenses publiques, sauf celles en faveur du patronat. Ainsi l’allocation familiale de solidarité serait réduite de 15 %, des franchises médicales de près d’un euro par boite de médicament et de 4 euros pour les transports sanitaires seraient instaurées. Les retraites, les allocations aux handicapés, les dotations aux provinces et aux communes seraient revues à la baisse. En revanche, le patronat bénéficierait d’une exonération totale d’impôt sur les sociétés pendant trois ans pour les nouvelles entreprises et d’une baisse de son taux de 30 à 20 ou 25 % pour toutes.
En parallèle de ces attaques, les travailleurs et la population pauvre de l’archipel ont à subir chômage et inflation. Depuis début 2024, près de 11 000 emplois ont disparu, dont un quart dans le secteur du nickel suite à la fermeture de l’usine Nord contrôlée par les partis indépendantistes, et à celle de la mine de Thio. Ce sont autant de suppressions d’emplois qui, contrairement à ce que dit la propagande patronale, n’ont guère à voir avec les émeutes de 2024. Alors, accord ou pas, en Nouvelle-Calédonie aussi, les travailleurs auront à se battre pour défendre leurs intérêts de classe.