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Leur société
Nouvelle-Calédonie : la droite colonialiste contre tout compromis
Jeudi 8 mai, près d’un an après le début de la révolte de la jeunesse kanake et océanienne le 13 mai 2024, Valls, ministre des Outre-mer, a dû quitter l’archipel sans arriver à un « accord politique global » avec les indépendantistes et les « loyalistes », partisans du maintien de la France.
Valls n’avait pourtant pas ménagé ses efforts. Il a fait trois fois le voyage depuis la métropole, prédit le chaos si un accord n’était pas trouvé… Mais le fait notable est que sa dernière proposition était un statut d’« indépendance-association », saluée par le FLNKS comme « un pas franchi dans la responsabilité et les engagements de l’État français de décoloniser le pays ».
Cette indépendance-association consisterait à transférer toutes les compétences dites régaliennes, police, justice… à la Nouvelle- Calédonie avec délégation immédiate à l’État français pour certaines d’entre elles, très probablement l’armée et la diplomatie. En complément, Valls promettait une double nationalité calédonienne et française et la définition d’un statut internationalement reconnu. Ce statut d’indépendance-association, une sorte de protectorat qui ressemble aux liens qu’il y a entre la France et Monaco ou Andorre, correspond depuis les années 1980 à la revendication d’une partie des indépendantistes kanaks. Il permettrait d’ailleurs à l’impérialisme français de conserver l’essentiel de ce qui l’intéresse en Nouvelle- Calédonie, sa présence dans le Pacifique au travers de sa base militaire sur un territoire qui lui resterait attaché. Valls tentait ainsi de conclure un compromis semblable à celui que Rocard avait négocié avec les accords de Matignon, en 1988, en y associant les dirigeants nationalistes et les notables kanaks.
Mais Valls s’est heurté à l’opposition déterminée de la droite loyaliste et caldoche qui dénonce une indépendance « déguisée ». Elle a, quant à elle, proposé une partition de l’archipel où la province Sud, la plus riche, qu’elle dirige, resterait pleinement française tandis que les deux autres, du Nord et des îles Loyauté, entre les mains des partis indépendantistes, pourraient obtenir leur indépendance- association. Elle a affirmé que Valls était « venu en ennemi de la Calédonie française ». À son argument « un accord ou le chaos », elle lui a répondu : « Tu nous menaces du chaos mais tu ne nous connais pas ». Les partis de la droite calédonienne se sont radicalisés ces derniers mois. Pendant les émeutes, certains ont formé des réseaux de « voisins vigilants », d’autres des milices suppléant la gendarmerie sur les barrages à l’entrée de certains quartiers, comme dans les années 1980. Une partie des politiciens fait pression sur les partis de droite en faisant de la surenchère. À partir de ces réseaux, ils ont créé un Collectif de résistance citoyenne, qui défend une Nouvelle-Calédonie française et qui affirme que ses membres se défendront les armes à la main. Ce collectif a réuni 500 personnes mi-avril. Avec sa proposition, même sans suite, Valls a tenté de donner des gages aux notables kanaks. Cela n’engage pas l’État français à grand-chose mais pourrait contribuer à les faire patienter.
En absence d’accord, Valls a annoncé que les élections provinciales auront lieu avant le 30 novembre 2025 avec le corps électoral en l’état, c’est-à-dire gelé, une décision que la droite, privée ainsi de plusieurs milliers d’électeurs, a décidé de combattre par tous les moyens. Ils défendent ainsi le maintien sans aucun changement d’une situation coloniale, sachant qu’ils pourront de toute façon compter sur le soutien des forces de répression de l’État français.
Cette situation prépare sans doute une nouvelle explosion et vingt escadrons de gendarmerie, 2 600 hommes, ont été maintenus en Nouvelle-Calédonie pour le premier anniversaire des émeutes le 13 mai dernier.