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Leur société
Pesticides : les bonnes affaires des trusts de la chimie
On ne compte plus les articles et reportages télévisés montrant des agriculteurs désarmés face à des insectes ravageant leurs récoltes.
Ils expliquent qu’ils n’ont pas d’autre solution que de continuer à utiliser des insecticides pourtant dangereux pour la nature et les hommes. Mais ceux que l’on ne voit jamais, ce sont les concepteurs et fabricants de ces produits fort lucratifs.
Le marché des produits phytosanitaires, le nom savant des pesticides, est dominé par des trusts tels que BASF, Bayer et Syngenta. Ils ont tout intérêt à faire prolonger les autorisations de mise sur le marché de leurs produits et à se servir pour cela des difficultés des agriculteurs. Ils sont aidés par la FNSEA et la Coordination rurale, qui orientent systématiquement leurs attaques contre les agences sanitaires et les autorités publiques, et jamais contre les producteurs de pesticides.
Dans le cas de l’acétamipride, dont la réautorisation est proposée dans la loi Duplomb, les syndicats crient à la concurrence déloyale parce qu’il est interdit en France depuis 2018, mais autorisé dans d’autres pays européens. Ce pesticide fait partie de la famille des néonicotinoïdes, des insecticides dont le mode d’action consiste à agir sur le système nerveux des insectes. Ils perturbent aussi les insectes très utiles à la biodiversité que sont les abeilles, dont la mortalité a grimpé en flèche lorsque ces produits sont arrivés sur le marché dans les années 1980. L’Union européenne a déjà interdit presque tous les néonicotinoïdes : l’acétamipride est le dernier de la famille qui soit encore autorisé. L’Efsa, l’agence européenne chargée d’évaluer les substances chimiques utilisées en agriculture, a déjà demandé la réduction de son utilisation. Les défenseurs de l’acétamipride, et ses producteurs, veulent donc juste gagner du temps avant une probable interdiction européenne.
C’est déjà sous le prétexte qu’il n’y avait pas d’alternative contre le charançon de la banane que l’autorisation du chlordécone a été prolongée aux Antilles dans les années 1970 et 1980 ; le trust américain Dupont de Nemours a ainsi pu continuer à écouler ses produits malgré leur interdiction aux États-Unis, ce qui a empoisonné la population antillaise et entraîné une épidémie de cancers de la prostate. Plus récemment, en 2023, la France a autorisé l’utilisation de pastilles de phosphine, un pesticide utilisé dans les bateaux transportant des céréales, mélangées avec les grains malgré le risque de résidus ; la pression des céréaliers a permis aux entreprises produisant ce produit d’en élargir les utilisations possibles, donc le marché.
« Pas d’interdiction sans solution », réclament les agriculteurs. Mais pourquoi les multinationales de la chimie se préoccuperaient-elles de chercher des solutions, si la sacro-sainte liberté de commerce leur permet de trouver un marché pour écouler leurs produits malgré leur dangerosité, et si les États l’acceptent ?