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Pétrolier “russe” : flotte fantôme et poubelles flottantes
Le 27 septembre, au large d’Ouessant, la marine nationale a arraisonné le Boracay, pétrolier de 244 mètres naviguant sous pavillon du Bénin.
Ce navire transportant du pétrole russe à destination de l’Inde était soupçonné d’avoir servi de pont d’envol pour les drones mystérieux ayant survolé à plusieurs reprises des aéroports et sites stratégiques du Danemark. Les autorités n’ayant rien trouvé à bord, le capitaine et le second ont été relâchés et le Boracay a repris sa route. Le capitaine est convoqué au tribunal de Brest, le 23 février prochain, pour répondre de « refus d’obtempérer ».
Macron a personnellement commenté l’affaire et parlé de pétrolier russe espion, de « confrontation permanente avec la Russie », pays qui représenterait « une menace structurelle pour l’Europe ». Et de demander une réunion des chefs d’état-major des pays européens. Le chancelier allemand a quant à lui déclaré « ne pas être en guerre, mais pas en paix non plus avec la Russie ». Le Premier ministre danois a surenchéri en proposant, le 7 octobre, un contrôle militaire plus étroit encore sur le Skagerak, le détroit entre la mer Baltique et la mer du Nord, passage obligé sur la route des grands ports de Russie d’Europe. C’est un nouveau pas dans l’escalade de déclarations, de propagande mais aussi de manœuvres et d’investissements militaires européens dirigés contre la Russie. Le premier résultat en est, comme toujours, la perspective de quelques milliards dans les poches des industriels chargés de mettre en place un « mur anti-drones ».
L’arraisonnement du Boracay a mis en lumière ce que les médias nomment la « flotte fantôme russe ». Il s’agit de ces centaines de navires qui contournent l’embargo mis progressivement en place par les pays européens contre le pétrole et les navires russes depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Immatriculés sous tous les pavillons de complaisance possibles, des pétroliers chargent leur cargaison dans les terminaux russes de la Baltique ou de la mer Noire et la transportent jusqu’à l’endroit où le pétrole russe sera débaptisé. Cela peut se faire en pleine mer par transbordement ou, plus fréquemment, en Chine et en Inde. Dans ce dernier pays, devenu le premier importateur de pétrole russe, le brut peut être raffiné, devenant ainsi du diesel indien, et repartir… vers l’Europe.
La Russie de Poutine, qui prétend ne rien savoir du Boracay, a besoin de vendre son pétrole, et donc de la flotte fantôme, pour financer sa sale guerre. L’Europe fait mine de découvrir le pot aux roses mais ses gesticulations à propos des drones et du pétrolier espion ne masquent pas sa tolérance sur les poubelles flottantes.
Un contrôle effectué en Estonie a révélé que le Boracay avait eu, depuis 2022, neuf gestionnaires, quatre propriétaires, cinq noms et sept pavillons. Le navire présentait, ce jour-là, pas moins de quarante infractions au code de navigation et aux normes de sécurité. Mais rien de tout cela, et pas même l’intervention de la marine nationale, n’interdit la navigation de tels vaisseaux fantômes parce que tous les États savent qu’il y a des milliers de Boracay sur les mers et qu’ils sont indispensables à la bonne marche des affaires.
Enfin, les bonnes âmes médiatiques et politiques s’interrogent gravement sur le probable défaut d’assurance de la flotte fantôme. Qu’elles se rassurent, cela n’a aucune importance. En effet, lorsqu’un navire dûment assuré fait naufrage, emportant le pont de Baltimore et six ouvriers ou ruinant par pollution des milliers de pêcheurs du Kerala, pour ne citer que ces deux catastrophes, les assurances refusent de payer, nul ne parvient ou même ne songe à les y contraindre et cela n’éveille pas la vigilance, par exemple, d’un Macron.