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Leur société
Polynésie française : les méfaits d’une puissance nucléaire
Alors que les grandes puissances ont estimé juste de bombarder la population iranienne au prétexte du danger nucléaire représenté par son gouvernement, le scandale des essais nucléaires français en Polynésie refait surface. Là aussi, « l’ennemi principal est dans notre propre pays ».

Presque soixante ans après le début des essais nucléaires en Polynésie française, une commission parlementaire vient enfin d’admettre qu’à Paris, les différents gouvernements ont menti sciemment, et choisi de faire ces essais en en connaissant les conséquences catastrophiques.
Dès le début des années 1960, pour que cette puissance de second ordre qu’est la France puisse avoir la bombe atomique, de Gaulle fit effectuer des essais nucléaires, bien sûr jamais sur le sol français. Cela commença en Algérie, et quand celle-ci arracha son indépendance en 1962, l’idée surgit d’aller polluer les populations des atolls polynésiens. Entre 1966 et 1996, 193 essais eurent lieu à proximité de Tahiti. Les autorités coloniales réquisitionnèrent des îles, dont celle de Mururoa, pour en faire la base du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), sans prévenir la population, sans chercher à la protéger de la radioactivité. Elles mentirent même consciemment sur les effets et refusèrent de déplacer les populations pour éviter tout risque de contestation.
Quarante-six essais eurent lieu en plein air. Chacun était affublé d’un joli nom d’étoile. Mais chacun répandait des doses de radioactivité immenses à travers des nuages portés au gré des vents. Des enquêtes ont prouvé que l’intégralité de la population polynésienne, soit 120 000 personnes, fut contaminée. Mais tout cela fut étouffé sous un grand mensonge gouvernemental : il n’y avait aucun danger et les populations devaient plutôt être redevables à la France d’apporter autant d’activité économique dans ces confins.
Seulement, le prix à payer pour ce cadeau empoisonné fut très lourd. Des milliers de personnes développèrent des cancers au fil des décennies. Dans cette colonie française connue pour le tourisme de luxe, la population autochtone est maintenue dans la pauvreté. La moitié n’a pas accès aux soins et aux informations nécessaires, et l’État fit tout pour limiter les indemnisations de victimes. Lorsque, en 2021, des journalistes finirent par dévoiler l’ensemble de la catastrophe dans un livre, Toxique, le gouvernement déboursa des dizaines de milliers d’euros pour démentir et essayer d’étouffer le scandale sous des avalanches de chiffres et de mesures truqués, afin de cacher que la contamination était équivalente à celles d’Hiroshima, de Tchernobyl ou de Fukushima.
L’État français a menti aussi bien aux populations locales qu’aux militaires et aux techniciens envoyés sur place. Des milliers de morts ou de malades de cancer en sont la conséquence. Mais le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires n’a reçu que 328 requêtes, dont 239 provenant de Polynésiens. Sur ce chiffre, déjà bien faible, seules 89 personnes ont bénéficié d’une offre d’indemnisation.
En 2021, Macron avait tenté d’atténuer le ressentiment en admettant « une dette » de la France, tout en refusant de présenter des excuses et en essayant d’alléguer de la méconnaissance des autorités à l’époque. Cette fois la commission d’enquête se voit obligée d’évoquer une « demande de pardon de la part de la France »... ce qui ne ramènerait aucune vie et ne soignerait aucun malade, sans coûter bien cher aux autorités.