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Leur société
Protectionnisme : des dirigeants syndicaux complaisants
« Nous avons gagné la mise en place d’une cellule de crise ! » : c’est par ces mots que Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a salué la décision du ministre de l’Économie de réunir chaque semaine à Bercy les confédérations syndicales avec une brochette de ministres.
Cette « cellule de crise » entre ministres et syndicats de salariés est censée faire pendant au « conseil des entreprises » entre les mêmes ministres et les représentants patronaux. Pour Marylise Léon, de la CFDT, cette cellule devrait suivre « chaque semaine comme le lait sur le feu la situation des entreprises » confrontées aux conséquences de la guerre commerciale accélérée par Trump. Pour justifier leur participation enthousiaste à cette cellule, les dirigeantes des deux principales confédérations invoquent « les grosses inquiétudes de la part des salariés : dans les entreprises, il y a des suppressions de CDD, des missions d’intérim qui s’arrêtent, des contrats qui ne sont pas renouvelés et des plans sociaux qui continuent avec, pour certaines entreprises, un effet d’aubaine » (Marylise Léon).
Ces inquiétudes et ces menaces sont bien réelles. Il est évident que le patronat, grand ou moins grand, va faire payer les incertitudes qui pèsent sur l’économie aux travailleurs, en renvoyant des intérimaires, en supprimant des emplois stables, en recourant au chômage partiel, en augmentant la productivité. Mais présenter comme une victoire la mise en place de cette « cellule de crise » est une arnaque. Cela revient à espérer que des ministres comme Lombard, Vautrin, Montchalin et, derrière eux, Bayrou ou Macron, prendront en compte les intérêts des travailleurs, au moment même où ces ministres se déploient sur les plateaux de télévision pour expliquer qu’ils doivent économiser 40 milliards d’euros et que les classes populaires devront pour cela se serrer la ceinture.
Non seulement les dirigeants syndicaux ne préparent pas les travailleurs à combattre les exigences patronales que ces ministres mettent en musique, mais cette « cellule de crise » va en fait aider les patrons à faire passer leurs demandes. Ainsi, Cyril Chabanier, de la CFTC, réclame-t-il « des droits de douane ciblés, afin de favoriser le développement et la relocalisation de certaines activités stratégiques, comme l’industrie pharmaceutique ou celle de la défense », au moment précis où les grands patrons de la pharmacie menacent de produire aux États-Unis si les dirigeants européens n’acceptent pas que leurs médicaments augmentent de prix.
Quant à Sophie Binet, elle ne fait pas mieux. Elle reproche par exemple à Bernard Arnault de ne pas « utiliser les leviers qui sont à sa disposition pour amplifier le rapport de force de la France et de l’Europe », comme si convaincre de quoi que ce soit ce milliardaire dont la seule patrie est son coffre-fort devait être un objectif pour les travailleurs. Elle ajoute qu’il faut « conditionner le montant des droits de douane au niveau des normes environnementales fiscales » afin de « défendre le modèle social français et européen », comme si les travailleurs avaient quelque chose à gagner à l’instauration de droits de douane d’une sorte ou d’une autre.