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- Lutte ouvrière n°2966
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Leur société
Rapatriés d’Indochine : abandonnés dans des camps
Une loi devait être votée mardi 3 juin pour reconnaître les préjudices subis par les rapatriés d’Indochine à la fin de la colonisation française. Soixante-dix ans après, cette loi leur donnerait droit à des réparations financières.
À partir de 1954 et des accords de Genève, qui mirent fin à la guerre d’Indochine, 5 000 Français d’Indochine ont été rapatriés et littéralement parqués dans des camps baptisés centres d’accueil des Français d’Indochine. Il s’agissait parfois de supplétifs de l’armée ou d’employés de l’administration française, mais surtout de veuves de ressortissants français, et pour beaucoup d’enfants de couples mixtes auxquels l’État avait dû donner la nationalité française.
Arrivés en France, ces rapatriés ont été installés dans des camps insalubres ; des corons dans un ancien village de mineurs dans l’Allier, une ancienne poudrerie dans le Lot-et-Garonne. Les familles ont dû survivre dans des conditions de pauvreté indignes, souvent dans des logements au sol en terre battue. Elles avaient droit à un poêle pour se chauffer et une couverture par personne. Elles vivaient bien dans un camp au régime militaire avec interdiction de sortir sans bon de sortie, et interdiction de faire des achats sans autorisation.
Julien Cao Van Tuat, coprésident de l’Association des rapatriés de Noyant-d’Allier (Arina), raconte comment les hommes devaient aller travailler loin, obligés ainsi de délaisser leur famille. « À côté de notre coron, il y avait des familles polonaises, italiennes et ukrainiennes. Ces familles de mineurs étaient très solidaires. Elles nous ont beaucoup aidés. À l’époque les hommes touchaient les allocations familiales et, comme ils étaient partis, les femmes n’avaient rien. Dans le village, les femmes ont tout pris en charge. » Quand le camp dans l’Allier a fermé, les familles de rapatriés ont dû racheter les corons dans lesquels on les avait logées.
Tous ces rapatriés ont vécu le sort de bien des travailleurs immigrés, contraints d’accepter les injustices et de se taire dans l’espoir que leurs enfants aient un avenir meilleur. Enfermés, isolés, invisibilisés et maltraités, ils n’osaient pas réclamer une reconnaissance de la part de cet État.
Depuis la loi de 2022 qui reconnaît les torts subis par les Harkis d’Algérie, des associations de ces rapatriés d’Indochine réclament aussi une reconnaissance et des indemnités. Cela ne serait que justice. Mais aucune loi ne pourra rendre justice à l’ensemble des populations qui ont payé et payent encore chèrement la domination des grandes puissances dans le monde.