Renault : fabriquer du profit avec des armes01/10/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/10/une_2983-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1271%2C1649_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Renault : fabriquer du profit avec des armes

Le 24 septembre, la direction de Renault a envoyé aux salariés une note interne reprenant la proposition du gouvernement : fabriquer des drones militaires, à destination de l’armée ukrainienne, ou peut-être même de l’armée française.

La note survient après des rencontres en juin entre Lecornu, alors ministre des Armées, et les dirigeants du groupe. À ce moment, il était question de lancer la fabrication de drones en Ukraine même, mais à présent les travailleurs des usines et centres de recherche Renault seraient directement concernés, sur leur lieu de travail, par le projet du Premier ministre et du patron. Des patrons, faut-il dire, puisque Renault se réfugie derrière d’autres grosses entreprises qui participeraient aux mêmes négociations.

Renault fait comme d’habitude flamber les mots. Il s’agirait d’ « apporter son expertise industrielle à des projets où son savoir-faire et ses compétences peuvent faire la différence ». C’est vrai que, précédent célèbre, Louis Renault s’était spécialisé dans la fabrication d’un autre engin de mort pendant la Première Guerre mondiale, le char FT. Mais cette fois, la direction argumente plutôt sur « l’ouverture vers des applications civiles », pour faire croire qu’elle se soucie de l’avenir des salariés. Elle ajoute : « Les projets envisagés apporteraient une activité additionnelle en mobilisant des équipes d’ingénierie et de sites industriels. » Il y aurait donc « une opportunité économique rentable ».

Et pour feindre l’objectivité et surtout, faire accroire qu’elle consulte sérieusement les ouvriers, techniciens et ingénieurs sur le projet, la direction liste quelques inconvénients, qui portent sur la sécurité des sites de fabrication, les cyberattaques potentielles et… l’image de marque du groupe – dont elle rebat constamment les oreilles aux travailleurs – qui pourrait en pâtir. Renault a clairement senti qu’il y avait un flottement chez les salariés.

Il est vrai que la direction joue sur du velours car dans plusieurs usines, dont celles de Flins et de Cléon, l’activité sporadique, les jours chômés ou les ateliers vides inquiètent légitimement celles et ceux dont le seul revenu est un salaire insuffisant. Certains travailleurs, à Flins, se rassurent d’avoir davantage de travail. D’autres, et on les comprend, trouvent que ce n’est pas leur travail de fabriquer des armes qui vont un jour tuer leurs enfants et, peut-être avant, des jeunes d’Ukraine ou de Russie.

Les différentes réactions des travailleurs à ce projet ne doivent pas masquer ce qu’ils ont en commun, le fait, précisément, de ne pas avoir voix au chapitre, ni sur ce qu’ils fabriquent, ni sur le fait que toute l’économie s’oriente désormais vers la guerre.

La question, qu’on la pose sur le plan moral ou économique, n’a pas de solution dans le cadre d’un atelier, d’une usine ou même d’un groupe. La question est de savoir qui, des capitalistes ou des travailleurs, décide de la production, de l’organisation sociale, de la guerre ou de la paix.

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