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- Lutte ouvrière n°2964
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Dans les entreprises
Renault – Sandouville : l’exploitation, ça rapporte
Après dix ans de procédure, la direction de l’usine Renault de Sandouville, près du Havre, vient d’être condamnée pour recours massif et abusif à l’intérim.
La décision du tribunal est notable, alors que, chez Renault notamment, les travailleurs intérimaires sont constamment et largement mis à contribution pour réaliser les profits des constructeurs automobiles. À Sandouville, il a fallu dix ans, après qu’une enquête avait été réalisée par les militants CGT de l’usine, pour que les rapports des inspecteurs du travail aboutissent au parquet du Havre. Entre 2014 et 2018, la direction a, pour assurer la production de son véhicule utilitaire Trafic, employé 4 500 travailleurs intérimaires, dont certains – ceux relevés par le tribunal – « pour un emploi durable et habituel ».
Il n’y a pas là de surprise et la direction s’en explique sans gêne, d’ailleurs. Elle a, dans ces années-là, quasiment quintuplé sa production de Trafic et, plutôt que d’embaucher des salariés en CDI, elle a utilisé dans ses ateliers jusqu’à 80 % de travailleurs intérimaires, et parfois davantage. Alors que, deux années plus tôt, 1 400 postes de CDI avaient été supprimés, les dirigeants de l’entreprise de l’époque n’ont même pas cherché à arguer d’un surcroît inhabituel de l’activité, encore moins de la nécessité de remplacer des salariés malades. Plaider la surprise eût été difficile alors que les carnets de commandes étaient pleins et que des ordres de fabrication avaient été lancés trois mois à l’avance…
« Globalement, sur la chaîne de montage, le recours à l’intérimaire est plus intéressant car les employés sont plus jeunes, plus rapides, plus malléables et remplaçables rapidement par d’autres s’ils ne sont plus utiles », a expliqué sans fard un directeur aux enquêteurs de la police judiciaire. Les inspecteurs du travail ont de leur côté, au cours de l’enquête, dénoncé le recours de la direction à des « variations de cadence journalières acceptées par ces effectifs précaires facilement manipulables ». Quant aux services de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la Direccte, ils ont insisté sur la fréquence des accidents du travail auxquels sont exposés plus particulièrement les travailleurs intérimaires dans les usines Renault.
Reste qu’en fait de frapper fort, le tribunal a condamné la direction de Renault Sandouville de l’époque à 18 750 euros d’amende, le maximum prévu, à peine un euro par an et par travailleur intérimaire. C’est dire clairement qu’en fait la loi protège l’exploitation patronale et les profits produits par l’ensemble des ouvriers, en CDI ou non.