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Leur société
Rugby : la mêlée du sport et de l’argent
Les révélations de Sébastien Chabal, ancien joueur international de rugby, sur des pertes de mémoire sévères ont remis en lumière les dangers de ce sport.

En Grande-Bretagne, plus de 200 rugbymen ont porté plainte contre les fédérations de rugby, à cause de leurs maladies neurodégénératives. Ces drames ont un point commun : la recherche du profit dans le spectacle sportif.
Le rugby est devenu professionnel en 1995. Depuis, pour augmenter les profits de ceux qui vivent de l’organisation et du spectacle, les joueurs sont devenus beaucoup plus massifs et les matchs se succèdent à une cadence supérieure. Et pour attirer le chaland, le jeu s’est transformé, pour devenir plus spectaculaire, avec des plaquages plus violents, des chocs plus nombreux et plus forts, en particulier à la tête. Un médecin explique : « Le temps de jeu effectif entre la finale de la Coupe du monde qui opposait la France à la Nouvelle-Zélande, en 1989, et celle en 2011, (…) a doublé. Celui qui avait le plus plaqué en 2011, avait plus plaqué que toute l’équipe de 1989. » Cette évolution a entraîné une multiplication des commotions cérébrales, responsables des lésions au cerveau, de démences précoces, de troubles de la mémoire, etc.
Il a fallu attendre les années 2000, pour que des mesures, encore insuffisantes, soient prises afin de protéger les rugbymen, comme le fait d’imposer qu’un joueur susceptible d’avoir subi une commotion sorte du terrain pour être mis en observation immédiatement. Les doubles plaquages et ceux au-dessus des épaules ont été interdits, et désormais un joueur ayant subi une commotion n’a pas le droit de reprendre des matchs avant de s’assurer de sa santé.
Mais le problème est plus profond. La professionnalisation et les enjeux financiers que cela a entraînés ont abouti à cette situation. Les plus jeunes rugbymen payent un lourd tribut à cette recherche du profit. La réglementation a longtemps permis que des joueurs de 18 ans puissent jouer contre des sportifs de 22 ans. Des joueurs avec un écart de poids de plusieurs dizaines de kilos pouvaient s’affronter, ce qui met terriblement en danger les plus jeunes, les plus petits, les plus légers. Ainsi, en 2018, trois joueurs de 17 et 18 ans sont morts lors de matchs, l’un à cause d’un traumatisme crânien, l’autre à cause d’un plaquage brutal lui ayant fracturé la colonne vertébrale, le troisième aussi à cause d’un plaquage. La fédération a changé les règles de plaquages après ces drames… mais seulement dans le rugby amateur ! Et les catégories ont évolué.
Le rugby, comme d’autres sports, nécessiterait bien des précautions pour ne pas mettre en danger ses adeptes. La boxe, le hockey, le vélo, mais aussi le ski, le foot, le handball, connaissent les mêmes problèmes, les sportifs subissant des commotions cérébrales et des accidents parfois mortels.
Mais il faut du spectacle pour négocier au plus haut les droits de transmission télévisée, les contrats publicitaires, les sponsors. Le rugby, comme tous les sports professionnels, évolue donc vers plus de violence, plus d’accidents, plus de transformation physique, biologique et chimique des joueurs.