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Dans le monde
Russie-OTAN : une tension alimentée
Après les drones russes survolant la Pologne et la Roumanie, des avions de l’OTAN ont intercepté des Mig russes qui auraient pénétré l’espace aérien de l’Estonie. Et lundi 22 septembre, le trafic de l’aéroport de Copenhague s’est retrouvé bloqué par des drones d’origine inconnue, mais aussitôt suspectés d’être russes.
Le lendemain à Bruxelles, l’état-major de l’OTAN a déclaré : « La Russie porte l’entière responsabilité [des] agissements [des dernières semaines], qui sont de nature à conduire à une escalade, risquent de conduire à une erreur d’appréciation et mettent des vies en danger. Tout cela doit cesser. »
Accuser la partie adverse d’être seule responsable de l’escalade guerrière est un grand classique de ce genre de situation. Et cela ne date pas d’hier, les dirigeants de l’Union européenne (UE) n’en finissent plus de pointer la Russie comme la menaçant, voire se préparant à lui faire la guerre.
Quant aux médias, jamais en reste, ils se mettent en quatre pour alimenter ce qui a tout d’une campagne destinée à persuader les opinions publiques ouest-européennes que la guerre est à leur porte et que la menace vient de l’Est. Ainsi, LCI faisait semblant de se demander mi-août : « La Russie bientôt en guerre contre l’Europe ? » La même chaîne avait titré le 25 juillet : « La Russie se prépare à une guerre à grande échelle » et, deux semaines plus tôt : « Face à la menace russe, l’Europe à l’épreuve ». En janvier, elle avait même avancé une date d’entrée en guerre : « Une attaque russe est-elle possible en 2028 ? » Et l’on pourrait multiplier les exemples.
La mise en condition des peuples ne date donc pas de ces jours-ci. Mais elle s’est intensifiée. Cela se voit dans la population, dont l’inquiétude face au spectre de la guerre grandit à juste titre. Mais on ne lui livre que des informations déformées de façon systématique afin de présenter « ceux d’en face » comme le seul agresseur et le camp occidental comme exempt de toute volonté belliqueuse.
Le fait que l’UE est devenue le premier fournisseur d’armes de l’Ukraine a certes été signalé cet été, mais en passant. Et sans insister sur le fait que cette politique délibérée, réfléchie des États européens ne peut être interprétée par Moscou que comme une menace accrue.
Cela vaut aussi pour la toute récente réunion à Paris de la « coalition des volontaires », 26 pays essentiellement européens qui s’engagent à soutenir l’Ukraine militairement, donc contre la Russie, « sur terre, sur mer et dans les airs » pour la suite des négociations dites de paix entre Kiev et Moscou. Qu’est-ce donc là sinon une menace ouverte de 26 pays adressée à la seule Russie ? Et parmi ces 26 pays on trouve non seulement deux puissances nucléaires, la France et la Grande-Bretagne, mais des États dont les budgets militaires cumulés pour les seuls trois principaux, les deux mentionnés plus l’Allemagne, atteignent 235 milliards de dollars annuels. C’est bien plus que le budget militaire russe, 149 milliards, même s’il a doublé depuis le début du conflit en Ukraine. Et cette disproportion en faveur de l’Occident impérialiste est encore plus énorme si l’on ajoute le budget militaire de l’Ukraine (64,7 milliards de dollars) et, surtout, celui du pilier de l’OTAN, les États-Unis, qui, avec presque un millier de milliards de dollars de dépenses militaires en 2024 distance de très loin tous les autres, Chine comprise !
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Trump se pose en faiseur de paix en Ukraine. Mais cela ne l’empêche pas de saisir toutes les occasions d’alimenter ses industries d’armement, ce qui pousse à l’intensification de la guerre sur le terrain et contre les populations.
Cet été, Trump a ainsi « offert » aux puissances européennes d’acheter pour 100 milliards de dollars d’armes aux États- Unis afin de les fournir à l’Ukraine. Il vient de récidiver en déclarant à l’ONU que les États-Unis étaient « prêts à protéger la Pologne » militairement. Dans une de ces volte-face dont il est coutumier, il a même affirmé à l’ONU, le 23 septembre que finalement l’Ukraine pouvait très bien gagner la guerre contre la Russie et que, après tout, autant régler le problème des avions russes intrus en les abattant. Et de souligner à l’intention de futurs clients de son industrie d’armement, qu’ils auraient tout intérêt à se tourner vers Washington, bien plus fiable que Paris, Berlin ou Londres, malgré les postures va-t’en-guerre des Macron, Merz, Starmer, etc.
Comme quoi une guerre (ouverte) peut en cacher, bien mal, une autre (pour l’heure seulement commerciale et économique). Cela concourt à l’escalade guerrière en Ukraine comme à la militarisation accélérée des États, de leurs budgets, de leurs opinions. Car les représentants politiques des différentes bourgeoisies cherchent à mettre en condition les classes populaires dont ils veulent, avant de les transformer en chair à canon, qu’elles acceptent toujours plus de sacrifices pour se préparer à la guerre. Et pour justifier l’explosion des dépenses militaires au détriment des dépenses sociales, il faut avoir un ennemi à désigner. C’est donc la Russie un jour, la Chine un autre, quitte à travestir la réalité pour en faire des épouvantails crédibles.
En 2003, les gouvernants occidentaux avaient sciemment menti durant des mois en prétendant que l’armée de Saddam Hussein, le dictateur irakien, disposait d’armes de destruction massive. On n’en a jamais retrouvé la trace, et pour cause. Mais cela servit à justifier aux yeux du monde une croisade militaire de l’Occident contre l’Irak.
Vingt ans plus tard, dirigeants et possédants resservent le même scénario. Mais cette fois à l’échelle de la planète.