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Dans le monde
Satellites : un système qui ne tourne pas rond
Le 28 avril, une fusée Atlas V a décollé de Cap Canaveral en Floride pour aller placer en orbite 27 satellites Kuiper, la filiale spatiale d’Amazon. En installant au total 3 200 satellites, Kuiper vise à concurrencer Starlink, la société d’Elon Musk.
De son côté, Starlink a déjà envoyé plus de 8 000 satellites sur une orbite dite basse, entre 500 et 2 000 kilomètres, et prévoit d’en envoyer plusiers milliers d’autres dans les prochaines années. Ces constellations de satellites sont destinées à fournir un accès Internet à très haut débit, sur n’importe quel point de la Terre, sans le moindre réseau filaire à proximité. Elles permettent aussi de stocker des données de façon sécurisée puisque ces réseaux, situés dans l’espace, sont difficiles à brouiller et à pirater.
Fournisseur de millions de clients privés dans le monde, des particuliers, des entreprises et même des États et des armées, et parce qu’il dispose de ses propres fusées, Elon Musk a pris plusieurs longueurs d’avance. Une troisième entreprise, OneWeb, contrôlée par l’européen Eutelsat, dispose de son côté de 650 satellites de cette catégorie et fournit surtout des institutions et des entreprises. Une société chinoise, Qianfan, tente d’émerger mais n’a pour l’heure que 36 satellites.
Si l’installation de tels réseaux de communication spatiale illustre les immenses possibilités techniques et pourrait représenter un progrès indéniable pour l’humanité, la façon dont ils sont mis en œuvre prouve la folie du système. Il est fou que la pertinence de bâtir de tels réseaux, l’initiative et la mise en œuvre de ces lancements ne soient ni planifiées ni régulées mais entièrement laissées aux décisions de capitalistes, les Elon Musk, Jeff Bezos ou Richard Branson, en concurrence entre eux. Pire encore, ces milliardaires ont pu bénéficier pour cela du soutien des États, avant tout des États-Unis, à travers des commandes publiques.
La construction, le lancement et l’installation de chacune de ces constellations coûtent des centaines de milliards d’euros. Chacune représente un temps de travail humain colossal et leur installation, en double ou en triple, est un gâchis d’énergie et de matière première. Comme lors de chaque innovation depuis la révolution industrielle, la concurrence va inéluctablement entraîner la faillite des perdants et la mise au rebut de leurs équipements. La régulation se fera après coup, au prix fort. Dans le cas des satellites, cela signifiera des dizaines de milliers d’engins devenus inutiles qui vont se dégrader et tourner pendant des siècles autour de la Terre. Cette génération de satellites n’étant pas la première, selon l’Agence spatiale européenne, quelque 10 000 grosses épaves de satellites ou de fusées tournent déjà autour de la planète, sans compter les centaines de milliers de fragments plus ou moins gros. L’espace, comme la Terre, est déjà une poubelle.
Comme bien d’autres secteurs, la technologie spatiale révèle la nécessité impérieuse de planifier l’économie à l’échelle mondiale. Cela suppose d’exproprier les Musk, Bezos, Arnault, Saadé et autres capitalistes pour placer l’ensemble des moyens de production sous le contrôle des travailleurs et de la population.