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Togo-France : les liens du sang
À Lomé, capitale du Togo, la répression des manifestations entre le 26 et le 28 juin a fait au moins sept morts et des dizaines de blessés. Depuis, des centaines d’arrestations ont eu lieu. Comme à son habitude, le régime tente d’étouffer la contestation par la violence.
La jeunesse de ce pays de 9 millions d’habitants, classé parmi les plus pauvres de la planète, est à la pointe de la contestation de juin. La vie chère et la flambée des prix de l’électricité constituent une des causes des manifestations qui ont aussi gagné des villes de province. Mais c’est l’arrestation d’opposants au début du mois de juin qui a été le déclencheur. En effet, le maître du pays, Faure Gnassingbé, a fait passer une réforme constitutionnelle lui permettant de rester au pouvoir, ce qui a provoqué une explosion de colère.
Président de la République réélu depuis 2005, Faure Gnassingbé aurait dû quitter ses fonctions dans l’année. Il a préféré modifier la Constitution et créer la fonction de Président du conseil de la République, élu par les députés. L’élection du Président de la République au suffrage universel a été abolie et le poste n’est plus qu’honorifique. Faure Gnassingbé a ainsi pu se faire élire Président du conseil le 3 mai.
L’actuel dictateur a succédé à son père, Gnassingbé Eyadéma, qui avait dirigé le pays sans interruption de 1967 à sa mort en 2005. Cette mainmise sur le Togo bénéficie depuis toujours de la protection de l’ancienne puissance coloniale, la France. Eyadéma, ancien sous-officier de l’armée française, avait été un des principaux artisans du coup d’état de 1963 contre le premier président, Sylvanus Olympio. Eyadéma avait participé à son exécution dans les jardins de l’ambassade des États-Unis à Lomé. Il avait agi sous l’impulsion de Paris qui voulait faire disparaître un gêneur au moment où se mettaient en place les réseaux de la Françafrique.
Le soutien de tous les gouvernements français au clan Eyadéma depuis les années 1960 ne s’est jamais démenti. L’ère Macron ne fait pas exception. Faure Gnassingbé a été reçu à l’Élysée en 2021, 2023 et 2024. La formation des forces armées togolaises ainsi que la fourniture de matériel et d’équipements de répression sont encore largement assurées par la République française au titre de l’accord de défense renouvelé depuis 1963. En retour, le Togo reste une terre d’investissements pour les capitaux français. Bolloré avait mis la main sur le port de Lomé entre 2010 et 2023, acquisition pour laquelle le milliardaire est poursuivi par la justice pour corruption dans un dossier impliquant Faure Gnassingbé.
CMA CGM, Vinci, Eiffage, TotalEnergies, et de nombreuses autres entreprises, gardent au Togo un ancrage inestimable alors que la présence française est sur la sellette au Sahel et dans une partie de l’Afrique de l’Ouest. C’est pourquoi le gouvernement français a très mollement réagi à la répression de ces derniers jours.