- Accueil
- Lutte ouvrière n°2977
- Ukraine : pendant les pourparlers, la tuerie continue
Dans le monde
Ukraine : pendant les pourparlers, la tuerie continue
« Tout le monde est très heureux de la possibilité de la paix pour la Russie et l’Ukraine » a fanfaronné Trump, content de soi et de sa politique comme d’habitude, au soir du sommet de Washington.

« C’est loin d’être fini, vous l’aurez compris » a commenté Macron. Cela se veut plus réaliste, de la part d’un président français qui n’a de toute façon, avec ses homologues européens, eu d’autre rôle que de jouer les utilités dans un scénario voulu par Trump avec l’accord de Poutine.
Car c’est à Anchorage, en Alaska, que trois jours plus tôt, l’un et l’autre avaient arrêté cette ébauche d’un plan de paix, présentée ensuite au président ukrainien, Zelensky, ainsi qu’aux dirigeants européens.
On n’y parle plus de ce « cessez-le-feu » que présentaient comme un préalable les dirigeants européens, ukrainiens et Trump jusqu’à récemment : il n’y aura de cessez-le-feu que lorsque sera signé un accord de paix. Et il n’est plus question de refuser toute modification des frontières de l’Ukraine, cette règle dite intangible du droit international. Les dirigeants occidentaux nous en rebattaient les oreilles, eux qui, de l’époque coloniale jusqu’au dépeçage de la Yougoslavie se sont toujours assis dessus quand leurs États y trouvaient leur compte ! Non, l’insistance des Macron, Starmer et autres à dire haut et fort qu’ils allaient à Washington exiger des garanties pour la sécurité de l’Ukraine n’avait d’autre raison que de faire « oublier » qu’ils avaient pris acte que tout accord sur la fin de la guerre en Ukraine passerait par des concessions territoriales.
Sans entrer dans le détail, Kiev allait devoir évacuer totalement les cinq oblasts déjà occupés en tout ou partie par l’armée russe. Toute la question est désormais de le faire accepter. D’abord à Zelensky, et pas seulement parce qu’il continue de répéter que la Constitution ukrainienne lui interdit de céder des portions de territoire, mais aussi parce qu’il joue sa place dans cette affaire. En effet, il s’est coulé depuis des années dans le personnage d’intraitable garant de l’intégrité territoriale ukrainienne. Y renoncer serait donner des armes à des rivaux au sein de l’appareil d’État. Quant à l’état-major ukrainien, en refusant par avance tout abandon de territoire, il est bien dans son rôle de grand défenseur de la « patrie ». Mais il se peut aussi qu’il ne veuille pas vérifier quelles pourraient être les réactions d’une population ukrainienne à laquelle les milieux dirigeants n’ont cessé de présenter toutes sortes de sacrifices, dont celui de la vie de centaines de milliers de militaires, comme indispensables à la défense de ladite patrie.
Alors, pour rendre la chose plus présentable, sinon acceptable à la population ukrainienne, et donc, pour que Zelensky et les siens aient des « arguments » pour continuer à la berner, Macron, Starmer, Merz vont devoir mouiller la chemise. Et Trump, pourvu que cela ne coûte rien à l’État américain, dit lui aussi s’engager à fournir de « solides garanties de sécurité » à l’Ukraine à l’avenir. Lesquelles ? La présence de troupes franco- anglaises sur son sol ? Ou, à proximité immédiate, en Pologne et en Roumanie, comme il en est question ?
Évidemment, rien de cela n’est encore réglé, même si, sur le fond, Trump a déjà fait passer dans les faits, sinon dans le droit, le principe d’un partage de l’Ukraine. Et, de façon ô combien brûlante, rien n’est réglé non plus pour les populations civiles qui, pendant que les dirigeants et diplomates discutaient, continuaient à voir tomber sur elles bombes et missiles.
Qu’un traité de paix, et de partition, soit conclu ou pas, le résultat en sera à l’image de ce que connaît la Corée, qui vit divisée et sur le pied de guerre soixante-dix ans après la fin d’une guerre que lui avait imposée l’impérialisme américain. On en a un autre exemple, plus près de nous, avec ce qu’il est advenu voici trente ans de Yougoslavie, en particulier de certaines de ses républiques.
Ce qui attend l’Ukraine, car c’est ce que négocient en secret les camps en présence, c’est un accord de brigands, dans lequel les peuples n’auront pas leur mot à dire et où, pour toute forme de paix, l’ordre impérialiste mondial ne leur accordera qu’un intermède précaire avant une prochaine guerre.