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- Lutte ouvrière n°2959
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Dans les entreprises
Vencorex – Grenoble : saignée dans les emplois
Le 10 avril, le tribunal de commerce a statué sur le sort de Vencorex-France, en redressement judiciaire depuis septembre et dont la seule usine est sur la plate-forme chimique de Pont-de-Claix dans l’agglomération de Grenoble. Il a retenu l’offre de BorsodChem, filiale hongroise de Wanhua, leader chinois du secteur des isocyanates.

Seuls 54 emplois seraient préservés sur la plateforme de Pont-de- Claix. 400 travailleurs sont donc jetés à la rue, et même plusieurs milliers en comptant ceux des entreprises sous-traitantes, dans le fret ferroviaire, le transport routier et les commerces voisins. Aucun engagement n’est par ailleurs exigé pour la dépollution de ce site plus que centenaire, dont le coût sera colossal. Le projet de création d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), porté surtout par la fédération nationale des industries chimiques de la CGT, a été rejeté par le tribunal.
Ni la mobilisation des travailleurs devant l’entrée principale de l’usine, qui avait paralysé l’activité durant deux mois, ni les rassemblements de soutien, ni l’appui des collectivités locales, qui avaient annoncé vouloir soutenir financièrement le projet de SCIC, n’ont fait reculer l’État et la direction. Cette dernière a été aidée par le patron d’Arkéma, qui a refusé de reprendre l’activité sel de Vencorex, dont son usine de Jarrie dépendait pourtant, et a supprimé à son tour 150 emplois. Tout était en réalité bouclé entre le patronat et l’État qui a baladé tout le monde en gagnant du temps. Bayrou avait affirmé que le site n’était « pas viable » et depuis mars le licenciement de plus d’une centaine de salariés était entériné, les installations progressivement mises à l’arrêt.
Les organisations syndicales ont présenté la lutte contre la fermeture de Vencorex comme « l’épicentre de la lutte contre la destruction de l’industrie en France ». Dès le départ, elles ont choisi un terrain sur lequel les travailleurs n’avaient aucune prise. Tout en signant un PSE avec une prime de licenciement extralégale de 40 000 euros, elles ont d’abord fait miroiter la perspective d’une « nationalisation temporaire », le temps de trouver un investisseur. Les élus locaux et les « experts » assuraient qu’ils avaient de « bons contacts » avec les hauts fonctionnaires des ministères, et que là se jouait l’avenir des travaillleurs.
Cette première voie se révélant sans issue, les syndicats avancèrent le projet de coopérative. S’il correspondait au sentiment de certains travailleurs pour qui « il fallait bien essayer quelque chose », peu d’entre eux croyaient à cette solution : aucun investissement n’a été fait sur la plateforme depuis des années et la guerre fait rage entre les multinationales de la chimie. Ce projet, soutenu par toutes les collectivités locales territoriales, a en revanche servi aux dirigeants syndicaux et aux politiciens de tous bords pour se poser en défenseurs de l’industrie française.
Refusant de dénoncer la responsabilité des patrons et des actionnaires successifs, longtemps français (Rhône-Poulenc, Rhodia...), les élus locaux ou nationaux, Hollande, Mélenchon, et les chefs syndicaux dont Sophie Binet pour la CGT, ont entonné durant des mois l’hymne à la souveraineté nationale et pointé la concurrence déloyale de la Chine. Ils ont défendu leur SCIC au nom de la dissuasion nucléaire française, des missiles MBDA ou de la fusée Ariane, dont des composants proviennent de la chimie grenobloise, et pour défendre « notre indépendance ». Ce fatras nationaliste ne peut que brouiller les consciences et détourner les travailleurs de leurs vrais ennemis et des moyens de les faire plier. Le comble est que Vencorex appartenait jusque-là à l’État thaïlandais, c’est-à-dire à ses généraux, et que le projet de SCIC reposait lui sur… un industriel indien !
S’il est certes difficile de faire reculer le patronat, il est vital que les travailleurs ne se laissent pas entraîner dans une impasse par les mensonges sur la réindustrialisation et autre souveraineté nationale. Le seul patriotisme des capitalistes va à leur coffre-fort. La seule souveraineté que les travailleurs peuvent revendiquer est celle sur leur organisation et leurs luttes, pour imposer leur droit à la vie.