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- Lutte ouvrière n°2965
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Article du journal
Démagogie anti-musulmans
la course aux mensonges
Mercredi 21 mai, un conseil de défense et de sécurité nationale, présidé par Macron, s’est tenu pour examiner un rapport intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France » censé démontrer le développement d’une influence constituant « une menace pour la cohésion nationale ».

Après le prétendu « séparatisme » qui a servi à voter une loi en juillet 2021, « l’entrisme » prend le relais pour dénoncer un prétendu complot ourdi par des musulmans. Macron a décidé d’utiliser le mode « patrie en danger » pour, selon l’Élysée, « faire connaître la menace au grand public ». Mais il a été doublé par le ministre de l’Intérieur Retailleau. Celui-ci a fait fuiter des extraits du rapport pour s’assurer un gain médiatique maximum en parlant de « submersion » et en évoquant « une menace très claire contre la République », dont « l’objectif ultime est de faire basculer toute la société française dans la charia ».
Le Pen et Bardella n’ont plus besoin d’agiter le spectre islamiste : Retailleau s’en charge, avec dans son sillage Darmanin, qui revendique la paternité du rapport, ainsi que Attal, qui s’est empressé de proposer l’interdiction du voile jusqu’à 15 ans dans l’espace public... La course à la démagogie antimusulmane repart de plus belle et ce spectacle accablant n’est pas terminé car, après l’échappée de Retailleau, Macron a remis à plus tard toute conclusion.
La confrérie des Frères musulmans, un courant de l’intégrisme islamiste fondé en Égypte en 1928, est effectivement présente en France. Mais le rapport lui-même n’évoque pas un mouvement de masse, loin de là, et même plutôt un recul de son influence.
Le nombre d’adhérents à la confrérie est estimé de 400 à 1 000. Elle influencerait 7 % des lieux de culte musulmans dans le pays fréquentés par quelque 90 000 fidèles, sur 1,8 million de musulmans pratiquants. Sur les 74 établissements scolaires privés musulmans, 21 seraient sous l’influence de la confrérie.
L’audience des catholiques intégristes – antirépublicains notoires et nostalgiques de Hugues Capet ou de Pétain – n’est sûrement pas moins forte, et le scandale Bétharram a démontré, s’il en était besoin, que l’enseignement catholique privé dispose d’une force de frappe redoutable contre la jeunesse. Pourtant cela n’est jamais présenté comme un danger par ces chevaliers de la République et de la laïcité. Il est vrai que Retailleau a plutôt des sympathies de ce côté.
Certes, des militants de l’islam politique agissent pour développer leur emprise dans certains quartiers, mais ce n’est pas le vrai problème des politiciens engagés dans la course à la présidentielle de 2027, de la même façon qu’ils se moquent du chômage, de la vie chère pour les classes populaires. D’ailleurs, présenter en permanence les musulmans comme une menace est le meilleur moyen d’en pousser certains dans les bras des islamistes.
Les politiciens qui font commerce des préjugés antimusulmans partagent en fait avec les courants religieux intégristes, l’objectif de diviser les travailleurs selon leur origine, leur croyance, leur nationalité. Avec les moyens de l’État et des médias, ils diffusent ce poison.