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- Lutte ouvrière n°2984
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Article du journal
Deux ans après le 7 octobre
Israéliens et Palestiniens dans une double impasse
Deux ans ont passé depuis que, le 7 octobre 2023, plusieurs milliers de combattants du Hamas et d’autres groupes palestiniens sont parvenus à percer la barrière de sécurité réputée infranchissable érigée par Israël le long de la bande de Gaza, attaquant les bases militaires et les Israéliens qu’ils rencontraient.
Plus de 1 200 personnes, en majorité des civils, ont été tuées ce jour-là, ce qui en fait l’attentat le plus meurtrier commis en Israël. 251 personnes ont été enlevées, 47 seraient toujours otages à Gaza, dont 25 que l’armée estime mortes. Au moment de cette attaque, bien des Palestiniens, à Gaza, en Cisjordanie et dans les camps de réfugiés des pays arabes, se sont sentis vengés de l’oppression et du mépris dont ils étaient l’objet depuis des années par l’État d’Israël. C’était oublier qu’en s’attaquant ainsi au hasard à des hommes, des femmes et des enfants, le Hamas recourait aux mêmes moyens que ceux utilisés par les dirigeants israéliens à l’égard des Palestiniens. Il montrait aussi combien il se souciait peu des conséquences pour son propre peuple, car il était prévisible que cette action serait suivie d’une riposte israélienne de grande ampleur.
L’attentat du 7 octobre donnait en effet au gouvernement Netanyahou le moyen de refaire l’unité nationale derrière lui, alors qu’il était largement contesté, confronté depuis des mois à une forte mobilisation contre un projet de réforme judiciaire. Exploitant le traumatisme provoqué au sein de la population israélienne, Netanyahou a pu se lancer dans une guerre qui est devenue une entreprise d’extermination des habitants de Gaza. Après deux ans de bombardements, de blocus, de massacres aveugles, le territoire de Gaza a été réduit à un véritable champ de ruines, des villes entières ont été totalement rasées, plus de 90 % des logements ont été détruits, le système de santé s’est effondré et la population meurt littéralement de faim.
Le bilan de cette guerre est à la mesure des moyens barbares employés par l’État israélien pour soumettre, voire anéantir le peuple palestinien. Mais il montre aussi l’échec des politiques menées par les organisations nationalistes palestiniennes.
L’Autorité palestinienne a été créée en 1993 par les accords d’Oslo entre les dirigeants de l’OLP et ceux d’Israël. Mais ceux-ci n’ont reconnu l’autorité de cette organisation palestinienne que pour en faire un auxiliaire de police, chargé de maintenir l’ordre contre sa propre population. Cette collaboration avec les autorités israéliennes a fait perdre progressivement à l’Autorité palestinienne l’essentiel de son crédit au sein de la population.
Quant au Hamas, en tirant des roquettes contre Israël à partir de Gaza, qu’il contrôlait depuis 2007, et en menant des attentats, dont celui du 7 octobre 2023 a été le plus spectaculaire et le plus meurtrier, il a voulu entretenir l’image d’une organisation combattante, plus radicale que l’OLP. Le but proclamé était de restaurer une Palestine « du Jourdain à la mer ». Mais ses dirigeants ont toujours su qu’ils n’avaient pas la force de mettre fin à la présence israélienne. En revanche, ils voulaient gagner de l’influence parmi les Palestiniens pour s’imposer en lieu et place de l’OLP comme un interlocuteur incontournable des dirigeants israéliens et occidentaux. Le bilan de cette politique est désastreux pour le Hamas lui-même dont on ne sait pas ce qu’il reste aujourd’hui de son appareil politique et militaire, mais surtout pour la population palestinienne, qui a payé le prix fort sur tous les plans.
En Israël, la population paye elle aussi un prix très lourd, entraînée dans un conflit dont on ne voit pas la fin. Une partie d’entre elle s’oppose à la poursuite de la guerre qui met en danger la vie des otages. Depuis des mois, des milliers d’Israéliens manifestent. Des réservistes refusent maintenant leur mobilisation. Beaucoup d’Israéliens expriment leur opposition à l’égard de Netanyahou, dont le maintien au pouvoir dépend de la poursuite de la guerre. Mais l’impasse actuelle est aussi la conséquence de la politique menée par ses prédécesseurs qui, depuis 1948, ont refusé de reconnaître les droits des Palestiniens et les ont privés de leurs biens et de leurs terres, les contraignant à vivre dans des camps de réfugiés. Aucune paix durable ne sera possible sans mettre fin à l’oppression des Palestiniens.
Quant aux organisations nationalistes palestiniennes, leur véritable objectif est de faire reconnaître leur droit à diriger un appareil d’État, ayant sa place, aussi réduite soit-elle, dans le système impérialiste. En cela ils sont les représentants d’une bourgeoisie palestinienne qui voudrait être traitée à l’égal des couches dirigeantes arabes de la région. Mais l’État israélien s’est toujours opposé à cette perspective, et il bénéficie du soutien indéfectible des grandes puissances impérialistes qui voient en lui un pilier pour leur contrôle du Moyen-Orient.
La seule issue pour les populations de la région, israélienne et arabes, est une lutte pour abattre les différents régimes qui les oppriment. Au-delà, c’est le système impérialiste qu’il faudra abattre, ce système qui, partout dans le monde, dresse les peuples les uns contre les autres pour pouvoir tous les dominer. À l’échelle du Moyen-Orient, c’est une fédération socialiste des peuples, reconnaissant à tous des droits égaux, qui leur permettra de coexister pacifiquement.