Madagascar : les militaires prennent le pouvoir15/10/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/10/P16-1_Madagascar_r%C3%A9cup%C3%A9ration_CAPSAT_C_AFP_2_cr%C3%A9dits.jpg.420x236_q85_box-0%2C0%2C800%2C450_crop_detail.jpg

Article du journal

Madagascar

les militaires prennent le pouvoir

À Madagascar, le président de la République, Andry Rajoelina, a quitté le pays le 13 octobre à bord d’un avion militaire français. Une fraction de l’armée s’est ralliée aux manifestations de la jeunesse pour finalement prendre le pouvoir pour elle-même.

Illustration - les militaires prennent le pouvoir

Depuis le 25 septembre, les étudiants manifestent quotidiennement dans la capitale, Antananarivo, et dans les principales villes. Le mouvement parti de l’université réclamait à l’origine la fin des coupures d’eau et d’électricité qui durent douze heures par jour et pourrissent l’existence de la population. La seule réponse du pouvoir a été une répression sauvage menée par la gendarmerie et la police, qui a fait jusqu’à présent au moins 22 tués et plus d’une centaine de blessés. Cette violence n’a pas découragé les jeunes, qui sont descendus de plus en plus nombreux dans les rues, déjouant les barrages pour accéder au centre de la capitale. Le mouvement, né sur les réseaux sociaux sous le nom de Gen Z, s’est rapidement étendu dans le pays et a adopté des revendications politiques : fin de la corruption, démission du Premier ministre puis du président. La tentative de Rajoelina de calmer les étudiants en nommant le 6 octobre un nouveau Premier ministre, le général Zafisambo, n’a eu aucun effet et les manifestations ont continué de plus belle.

Le tournant du mouvement a eu lieu le samedi 11 octobre lorsque des soldats ont rejoint les cortèges, les plus importants depuis le début du mouvement. Une unité de l’armée malgache, le Capsat, a appelé à refuser les ordres de tirer sur les manifestants. Les soldats ont ouvert le feu sur un véhicule de la gendarmerie et se sont adressés aux autres corps de l’armée, déclarant : « Braquez vos armes sur ceux qui vous ordonnent de tirer sur vos frères d’armes ». Des véhicules chargés de soldats armés ont alors rejoint les manifestants, acclamés par la foule.

Déjà, en 2009, le Capsat, cantonné dans une importante base proche de la capitale, avait contribué à renverser le président alors en place pour porter Rajoelina à la tête de l’État. L’armée malgache est traversée par différents courants politiques et les seuls corps véritablement fidèles à Rajoelina étaient la gendarmerie et la police, qu’il avait choisies pour exercer la répression. À partir de la mutinerie du Capsat, les ralliements de chefs militaires se sont multipliés. Un nouveau chef d’état-major a été nommé par le Capsat, le général Pikulas, qui a pris ses fonctions en présence d’une soixantaine de hauts gradés.

Les soldats applaudis par la foule pour leur mutinerie ne pouvaient qu’être fiers de ne plus assister sans rien dire aux tueries perpétrées par la gendarmerie, mais les intentions de leurs chefs étaient infiniment moins désintéressées. Cela s’est clairement vu le 13 octobre lors d’un rassemblement où tous les premiers rangs étaient occupés par des chefs militaires qui ont tenté, en vain, de reléguer la GenZ à l’arrière, comme le racontait le lendemain une participante interviewée par Radio France internationale. Une manière de dire « vous avez été merveilleux, mais maintenant laissez-nous faire ». C’était une opération classique de ravalement de façade du régime, ressemblant à ce que l’on a vu au Bangladesh, au Népal, au Sri Lanka, et il n’a pas fallu longtemps pour que les intentions des chefs militaires se confirment. Mardi 14 octobre, après que l’Assemblée nationale a voté la destitution de Rajoelina, ils ont annoncé qu’ils prenaient le pouvoir.

La jeunesse, flouée du mouvement qu’elle a lancé, n’a pourtant pas dit son dernier mot. Aucun des problèmes pour lesquels elle s’est mobilisée n’est réglé. Quant à la classe ouvrière surexploitée, elle aurait toutes les raisons d’entrer à son tour dans le mouvement.

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