Népal : deux jours d’insurrection17/09/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/09/une_2981-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1271%2C1649_crop_detail.jpg

Dans le monde

Népal

deux jours d’insurrection

Les 8 et 9 septembre, le Népal a connu de véritables journées révolutionnaires à Katmandou et dans tout le pays, mettant à mal le pouvoir en place.

Tout a commencé par un décret gouvernemental du 4 septembre qui restreignait et mettait sous contrôle les différents médias sociaux utilisés dans le pays, Whatsapp, Facebook et autres. En effet, sur ceux-ci se développaient des dénonciations de la corruption. Généralisée dans le pays, elle se marque par l’affichage sans complexe des enfants de la couche privilégiée au pouvoir, dans des orgies, bouteilles de champagne à la main, dans ce pays de 30 millions d’habitants marqué par la misère. Le pouvoir, dirigé depuis 2008 par le Parti communiste marxiste-léniniste (maoïste), pensait qu’il pouvait tout se permettre, tant la situation était calme et sous contrôle.

Cette mesure d’interdiction a été reçue par les masses populaires et la jeunesse comme la provocation de trop. La classe ouvrière du Népal est d’abord composée de millions de travailleurs qui, dispersés à travers le monde entier, permettent à leur famille, avec qui le seul contact se fait par ces réseaux sociaux, de survivre un peu mieux. Et puis, pour la grande majorité des Népalais, qui vit dans les campagnes, les réseaux sociaux sont le seul moyen de communication, en particulier avec leurs enfants. Tout cela alors que les tenants du pouvoir, le Parti communiste et son allié le Parti du congrès, ont mille fois montré qu’ils gouvernaient contre les pauvres et pour les riches et les nantis et étaient gangrénés par la corruption.

Le 8 septembre, un petit groupe qui se fait appeler « génération Z », composé surtout d’étudiants, a donc appelé à manifester contre ces mesures et immédiatement le mouvement a pris de l’ampleur. Une grande partie de la jeunesse de Katmandou (un million d’habitants) et des grandes villes s’est retrouvée dans les rues pour marcher contre les symboles du pouvoir, en particulier l’Assemblée nationale. La police a ouvert le feu, faisant au moins 19 morts. Bien loin d’effrayer les manifestants, cela les a galvanisés. Il y a eu 72 morts au total dans le pays. Quelques policiers ont été tués, et, surtout, cela a provoqué l’embrasement de tout le pays.

Le 9 septembre, des centaines de milliers de manifestants se sont donc retrouvés dans la rue aux côtés de la jeunesse contre tous les symboles du pouvoir. Le Parlement a été détruit par les flammes, ainsi que toute une partie des bâtiments gouvernementaux, comme des tribunaux. Les portes des prisons ont été ouvertes et plus de 12 500 prisonniers s’en sont extraits eux- mêmes. Le Premier ministre a été sorti de son domicile. Deux autres ministres, dont celui des finances, ont été conduits sur la place publique, battus sévèrement sous les applaudissements de la population, et jetés symboliquement à la rivière. Aux côtés de la jeunesse, la population des travailleurs des petites entreprises et des petits commerçants était ainsi maître de Katmandou et du pays. La police mise hors d’état d’agir, tandis que l’armée restait, ce jour- là, cantonnée dans ses casernes.

Le même jour le retrait des décrets du 4 septembre était annoncé et tout le gouvernement était démissionnaire. Devant le discrédit brutal des dirigeants politiques, le chef de l’armée, conjointement avec quelques hauts dignitaires de la Cour suprême, décrétait la dissolution de l’Assemblée nationale, la mise à l’écart de tous les partis politiques et l’organisation d’élections générales dans quelques mois. Quelques jours plus tard, l’ex-présidente de la Cour suprême était nommée Premier ministre. Il était vital pour les représentants des classes riches de ne pas laisser le pouvoir vacant et sans représentant officiel.

Comme cela se produit souvent en pareil cas, la population, qui a trouvé en elle les ressources et l’énergie pour abattre le gouvernement, n’était visiblement pas préparée à exercer elle-même le pouvoir. Après avoir senti passer le vent du boulet, les dirigeants de l’État se sentent sans doute rassurés.

C’est ainsi que le chef d’état-major de l’armée a pu faire sortir ses soldats dans la rue au nom, a-t-il dit, du maintien de l’ordre. Mais la population pauvre du Népal a pu prendre conscience de sa force et n’est peut-être pas près de l’oublier.

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