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Pologne
élections sur fond d’espoirs déçus
Mercredi 21 mai, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, du parti PO (Platforma Obywatelska, Plate-forme citoyenne), a demandé au Parlement de prolonger la suspension du droit d’asile pour à nouveau six mois.
Cette décision, qui vise les migrants qui tentent de passer la frontière biélorusse, est un indicateur de la direction dans laquelle regardent PO et son candidat, Trzaskowski. Dans l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, celui-ci regarde vers l’extrême droite.
Les deux candidats d’extrême droite ont obtenu au premier tour presque 22 % des voix (14,8 % pour Mentzen et 6,3 % pour Braun). Et Mentzen ne s’est pas privé de faire pression sur les deux candidats arrivés en tête, qui sont Trzaskowski (PO) avec 31,3 % des voix, et Nawrocki (PiS, Droit et Justice) avec 29,5 %. Mais, au-delà même de cet entre-deux tours, l’atmosphère de la vie politique polonaise en était déjà bien marquée.
On est loin du climat de 2023, et de ses queues de plusieurs heures pour aller voter (six heures de queue pour un bureau de vote qui avait battu les records, à Wroclaw), où la participation avait atteint 80 %. Ce climat d’alors était un résultat des luttes des femmes pour le droit à l’avortement, et du choix d’une certaine partie de la population qui en avait assez de « l’ordre moral » que faisait régner le PiS.
Mais, depuis deux ans que Donald Tusk et le PO dirigent le gouvernement, ces espoirs ont été bien déçus. Un projet de loi autorisant l’avortement a été présenté au Parlement durant l’été 2024 mais il n’a même pas été jusqu’à se heurter au droit de veto du président Duda. Un des partis de la coalition gouvernementale, Holownia, l’a bloqué en votant contre alors que Tusk, durant sa campagne, avait promis de mettre en place ce droit dès son arrivée au pouvoir.
Certes, la répression contre les femmes qui avortent et ceux ou celles qui les y aident est moins violente qu’auparavant. Les tribunaux sont moins pressés d’instruire les dossiers. Des centres pro-IVG se sont ouverts dans les grandes villes, mais ils se bornent à organiser des voyages à l’étranger pour celles qui veulent avorter. L’accès à des pilules abortives est plus facile, du moins dans les grandes villes. Mais on a quand même vu le candidat d’extrême droite Braun aller faire du scandale dans un hôpital où exerce une gynécologue favorable à l’avortement.
Toute la campagne a été polarisée par les thèmes réactionnaires, et Trzaskowski comme Tusk ont orienté leur boussole dans cette même direction. Alors qu’en 2022 Tusk se disait choqué par les refoulements de migrants aux frontières de la Biélorussie, depuis qu’il est Premier ministre, il en est devenu plus que partisan. En mai 2024, il a réintroduit une zone tampon de 200 mètres tout le long de la frontière biélorusse et il y construit une barrière encore plus infranchissable qui sera achevée en 2028. En juillet 2024, il a autorisé les agents en poste à la frontière biélorusse à tirer à balles réelles.
Dans le même ordre d’idée, au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, le gouvernement alors dirigé par le PiS avait facilité la venue des réfugiés ukrainiens en Pologne. Aujourd’hui, tous les partis politiques, du PO à l’extrême droite, déclarent que la présence de plus d’un million d’Ukrainiens « pose problème » et qu’il faudrait mettre des conditions restrictives aux aides auxquelles ils ont droit.
Alors que le secteur de la santé est délabré et manque de moyens, alors que, pour la partie la plus pauvre de la population, la vie est toujours difficile, tous les grands partis ont l’œil rivé sur la « défense de la Pologne ». Et si cela est loin de faire frémir d’ardeur la population, ils sont tous partisans d’accroître le poids des dépenses militaires, qui devrait représenter en 2025 4,7 % du PIB.
Autant dire que ce n’est pas sur le cirque politique actuel que peuvent compter les travailleurs et tous ceux qui veulent changer vraiment leur sort en Pologne.