Transport aérien : course au profit15/10/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/10/une_2985-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1271%2C1649_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Transport aérien

course au profit

Deux catastrophes aériennes viennent d’être évitées de justesse, dans des circonstances qui soulignent combien la course au profit dans le transport aérien rime avec mise en danger des passagers et des équipages.

Tout d’abord, dimanche 21 septembre à l’aéroport de Nice, un avion de Nouvelair a failli s’écraser à l’atterrissage sur un avion d’easyJet prêt à décoller. Il s’en est fallu de quelques mètres, la tour de contrôle ayant in extremis fait reprendre de la hauteur à l’avion qui arrivait.

Des politiciens et des médias ont pourtant vu dans cet « incident » – ce terme technico-administratif qualifie un quasi-crash aussi bien qu’un petit incident – l’occasion d’incriminer « l’erreur humaine » et les contrôleurs aériens.

Ainsi, le maire de Nice, Estrosi, a réclamé que l’on confie le contrôle du ciel aux militaires. Comme si ceux-ci ne contrôlaient pas déjà tout l’espace aérien pour leurs propres besoins, leurs avions ayant en outre la priorité sur le trafic civil ! Et puis, il faut rappeler qu’en 1973 l’armée avait remplacé des contrôleurs civils pour briser leur grève, ce qui avait provoqué la mort de 68 personnes dans la collision de deux avions près de Nantes.

Il y a quelques jours, un contrôleur, qui a voulu rester anonyme car sa direction impose le silence au personnel, a expliqué sur France 3-Côte d’Azur ce qu’il s’était passé à Nice.

L’avion de Nouvelair s’était dirigé par erreur vers la piste où se trouvait celui d’easyJet. Or à Nice, 300 mètres seulement séparent les pistes d’atterrissage et de décollage, au lieu du minimum de 700 mètres en vigueur dans les autres aéroports. En outre, il y a une différence d’éclairage entre les pistes. L’une dispose de LED, l’autre a gardé des ampoules : en s’orientant sur la piste la mieux éclairée, l’avion en phase d’atterrissage allait à la catastrophe. Voici deux mois, un incident dû aux différences d’éclairage avait déjà eu lieu. Mais changer toutes les ampoules obligerait à fermer la piste. Alors l’entreprise Aéroports de la Côte d’Azur se donne deux ans pour le faire.

Quant au couloir d’atterrissage emprunté, il posait problème. S’il évite de déranger les riverains de Cannes et Antibes, un souci louable le soir, il entraîne un manque de visibilité pour les pilotes. Et les autorités le reconnaissent car, après l’incident, il a été décidé de supprimer cette procédure d’évitement entre 20 h et 23 h, des heures de grand trafic !

Enfin, même si l’effectif des contrôleurs était au complet ce jour-là, à Nice il y a 72 contrôleurs aériens… au lieu des 90 demandés par l’État pour cet aéroport international, le second en importance en France, un sous-effectif qui dure depuis des années. nfin le 3 octobre, un crash a été évité de peu outre-Manche. Un Boeing 737 de Ryanair n’a réussi à atterrir qu’au bord de la panne sèche. Venant de Pise, il avait échoué par trois fois à atterrir à Glasgow, sa destination, puis Édimbourg, et à la fin, a dû déclencher un « code 7 700 » (urgence générale) et lancer un « Mayday carburant ». Il n’avait plus de kérosène que pour six minutes de vol quand il a pu se poser à Manchester.

Certes, la tempête Amy était passée par là. Sa violence la faisant qualifier de « bombe météo » par les services météorologiques européens, elle avait provoqué l’annulation de centaines de vols par de nombreuses compagnies, mais pas par Ryanair. Certes, la compagnie a apparemment respecté la réglementation de l’Organisation de l’aviation civile internationale qui impose aux transporteurs aériens d’embarquer une « réserve finale de carburant » équivalant à 30 minutes de vol, à n’utiliser qu’en cas d’urgence absolue. Mais de tels incidents surviennent parfois sans tempête. Ainsi, le 26 juillet 2012, trois vols de Ryanair déroutés de Madrid vers Valence avaient dû entamer leur « réserve carburant ». Il y avait eu plainte, enquête et puis rien.

Le carburant représente plus de 40 % des coûts d’exploitation d’une compagnie comme Ryanair, alors celle-ci peut pousser ses pilotes à en limiter au maximum la consommation. Entre autres, ce que dénoncent d’anciens pilotes, une évaluation en interne des commandants de bord serait faite selon ce critère.

Cela n’est pas interdit par la réglementation du transport aérien. Mais dans un secteur où les aléas notamment climatiques devraient obliger à anticiper même les situations les plus improbables, on frémit à imaginer ce qui serait advenu des passagers et de l’équipage du Pise- Glasgow s’il n’avait pas pu se poser en urgence à Manchester.

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