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Dans le monde
La chasse aux déserteurs
Le 5 septembre et les jours suivants, des rassemblements ont eu lieu dans plusieurs grandes villes d’Ukraine contre des projets législatifs qui réinstaurent de lourdes peines pour des soldats accusés d’abandon de poste ou de refus d’obéissance. Selon les cas, ils risqueront cinq ou dix ans de prison.
Les manifestants, parmi lesquels des vétérans, dénonçaient les « corrompus en liberté » protégés par le pouvoir et le fait que les rejetons des ministres, des hauts fonctionnaires et des députés qui doivent durcir la loi, eux, ont coupé à la mobilisation et au risque de se faire tuer en allant se cacher à l’étranger.
Loin de l’image d’un peuple uni dans sa volonté de se battre que diffuse la propagande du régime, de nombreux soldats, y compris des engagés, ont quitté leur unité sans autorisation. On en a recensé 202 997 cas, dont 50 058 désertions avérées depuis 2022. Le phénomène allant croissant, le gouvernement avait décidé, en août 2024 et pour un an, de ne pas sanctionner les soldats à leur premier abandon de poste ou d’unité. Aux yeux de l’état-major, c’était censé éviter que leur « absence » ne devienne une désertion définitive. Mais, aujourd’hui, alors que l’armée ukrainienne peine de plus en plus à combler ses pertes, l’heure est plus à renforcer la discipline qu’à « préserver la ressource humaine » car les généraux et les gouvernants ont besoin de chair à canon.
En Russie, dès février 2023, le ministère de la Défense et la FSB (le renseignement intérieur) ont donné consigne de ne plus rendre publiques les données sur les désertions. Mais des recoupements font apparaître au moins 18 341 condamnations prononcées à ce titre, ou pour abandon de poste, par des tribunaux militaires. Le média russe en exil The Insider a procédé au recensement de ce qui a été publié par une centaine de tribunaux de garnison et il souligne que seul un cas sur trois aboutit à un procès. Le nombre total des désertions sur trois ans et demi pourrait ainsi atteindre 60 000, soit près de 10 % des effectifs que l’armée russe déploie en Ukraine.
Phénomène plus inquiétant pour le pouvoir russe, la tendance ne cesse de croître. Entre le début de la guerre et 2024, le nombre des condamnations pour désertion est devenu dix fois plus élevé ! Cela ne correspond pas vraiment à cette image d’une « Russie qui forme un front populaire uni et solidaire » face à la guerre que vantait Poutine en juillet. Mais il aimerait sans doute y croire…